Pour nous aider dans notre chemin de joie, deux pasteur.es ont accepté de commenter pour nous un passage de la Bible en 550 mots – un vrai défi. L’exercice a d’ailleurs été suggéré par quelques lecteurs et lectrices de Pro-News. Voici le texte choisi :
« Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous. Que votre douceur soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne vous inquiétez de rien ; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâce. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus Christ. » Phil. 4 : 4-7
La joie comme acte de résistance
Bien avant les attentats à Bruxelles, Paris fut le théâtre d’une violence sans nom. Il y a une image de cette époque qui ne me quitte plus : le centre de Paris, au lendemain des attaques terroristes : Paris avec ses nombreuses terrasses, peuplées d’hommes et de femmes, souriants, joyeux presque et combattifs surtout ! Leur présence clamait haut et fort : nous ne céderons pas à la terreur ! Au même moment, à Bruxelles, les écoles fermaient leurs portes, les métros restaient en dépôt, les centres commerciaux étaient désertés ; dans les rues des chars et des militaires par dizaines. Alors qu’à Paris un mouvement de révolte prenait figure festive sur les terrasses, Bruxelles sombrait dans la peur.
Mais il fallait être Parisien ! Refuser de céder à la panique, aller à la rencontre de l’autre, même inconnu, faire mémoire des morts en célébrant la vie, opposer la joie de vivre à la peur mortifère. La joie comme acte de résistance !
De même, nous avons vu des musiciens combattre le désespoir des hommes et des femmes réfugiés dans leurs abris en Ukraine. Et Banksy a fait danser une petite gymnaste sur les ruines d’un immeuble à Borodyanka …
La joie traverse l’Évangile de Luc du début à la fin et semble en être l’un des thèmes principaux. Zacharie peut se réjouir car il aura un fils (Lc 1, 14). La joie des disciples chassera l’ombre de leur peur (Lc 24, 52). De même, Paul exhorte les chrétiens de Philippes à la joie. Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ! Je vous le répète : réjouissez-vous ! Le Seigneur est proche !
La situation de ces hommes et femmes empêche une compréhension légère de la joie évangélique. Comme aujourd’hui, elle se vit dans la tension constante avec la souffrance. Elle se fraye un chemin à travers la détresse et le désespoir. Pour l’Église, la joie devient possible lorsque nous nous mettons en mouvement, encouragés par la perspective d’un avenir nouveau, promis et initié par Dieu et par son Fils. La joie comme résistance constitue une brèche dans tout système déshumanisant et oppressant.
La veille de sa mort, lors d’un meeting à Memphis, Martin Luther King évoquait une tentative d’assassinat avant de poursuivre : Nous avons devant nous des journées difficiles. Mais peu m’importe ce qui va m’arriver maintenant. Car je suis allé jusqu’au sommet de la montagne. […] Et j’ai vu la Terre promise. Il se peut que je n’y pénètre pas avec vous. Mais je veux vous faire savoir, ce soir, que notre peuple atteindra la Terre promise. Ainsi je suis heureux ce soir. Je ne m’inquiète de rien. Je ne crains aucun homme. Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur.*
La joie lui vient du fait de se savoir engagé, avec d’autres !, sur le chemin vers la justice et la paix, à la suite du maître de la joie, Jésus-Christ, qu’il sait proche. Pour King aussi, la joie était acte de résistance !
Comme à Paris, la joie de l’Eglise naît de la rencontre. Elle est non seulement acte de résistance contre tout désespoir et toute terreur, elle devient, tel un perpetuum mobile, son propre moteur et ravive l’espérance. Ayons donc à cœur l’appel de Paul, réjouissons-nous, toujours !
* Cité dans : Serge Molla, Martin Luther King, prophète. Labor et Fides, 2018
Pasteure Judith van Vooren, Liège-Marcellis
Rejoice!
Il y a un mot anglais qui me rend heureux : rejoice, « Réjouis-toi ! ». Il me rappelle des souvenirs. Quand j’entends le mot rejoice, je pense immédiatement à l’élégante prononciation de la Dame de fer, la première ministre Margaret Thatcher. Pendant la guerre des Malouines, apprenant qu’il n’y avait pas eu de victimes dans une attaque, elle dit : « We ought to rejoice !” Ce n’est pas un mot que les Anglais utilisent souvent, d’ailleurs, et c’est précisément pourquoi cela le rend notable. Rejoice m’évoque aussi des chansons des groupes Second Chapter of Acts, U2, et même un air du Messie de Haendel, dans lequel rejoice est répété encore et encore jusqu’à exploser dans les haut-parleurs. Cela me rend à nouveau heureux.
Oui : à nouveau. Car le commandement « réjouis-toi » sous-entend que nous ne sommes pas toujours heureux, et nous invite à nous réjouir à nouveau. D’où le préfixe re- de re-joice. Soyez heureux à nouveau, retrouvez le bonheur! Alors que cette vie apporte tant d’occasions de nous rendre malheureux, rejoice nous met au défi d’être heureux à nouveau.
Imaginons que nous ayons tous des visages grincheux, que personne ne rie plus jamais, comme une grande vallée de larmes… Heureusement, Dieu donne la grâce du rire et du bonheur aux méchants comme aux bons. Dans les circonstances difficiles, l’humour, ‘gein’, est la meilleure arme, m’apprennent mes amis juifs.
Mais pourquoi devrais-je me réjouir ? Le bonheur ne s’impose pas! Ce serait comme ces thérapeutes du rire, qui commencent par se secouer le ventre devant leur public, avant que tout le monde se couche par terre avec un rire forcé. Non, l’appel à se réjouir dans ce passage est plus profond : « Réjouis-toi dans le Seigneur ! » qui se traduit également : « Soyez heureux avec le Seigneur, ou à cause du Seigneur ».
Pour être précis, « le Seigneur » c’est Jésus. Oui, Il me rend toujours heureux à nouveau. Les meilleurs moments de ma semaine sont ceux où j’étudie les Écritures, où je les analyse et me prépare pour le culte. C’est merveilleux, en plus je suis payé pour ça. Quand j’étudie, je rencontre toujours Jésus à nouveau. Aux moments les plus inattendus, dans les textes narratifs, dans les poèmes, dans les prophéties. Mes yeux retombent toujours sur Lui – n’est-ce pas merveilleux !
En ce moment, je lis les “petits prophètes”, vous savez, Osée, Joël, Amos… Alors que je lisais Joël, l’image entière de l’Évangile et de l’histoire m’est soudainement revenue très clairement ! A nouveau, j’ai retrouvé la confirmation que Jésus est bien le Messie, qui viendra un jour pour délivrer ce monde. Heureusement.
À de tels moments, je me réjouis inconsciemment en Jésus, le Seigneur. Parce qu’alors je découvre quelque chose à son sujet qui me rend heureux. Et puis je découvre à nouveau que toutes les Écritures témoignent vraiment de Lui. Je redécouvre aussi sa grâce. Ce n’est pas un hasard si le mot charis, « grâce » en grec, vient de chairo : « se réjouir ». La grâce est quelque chose qui donne de la joie, qui rend heureux.
Puissions-nous nous réjouir à nouveau dans le Seigneur jour après jour : tel est mon souhait pour vous et pour moi-même. Rejoice!
Pasteur Gert-Jan Kroon, Menin
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