Gn 1.27-28 : Dieu créa l’homme à son image; c’est à l’image de Dieu qu’il le créa. Mâle et femelle furent créés à la fois. Dieu les bénit en leur disant “Croissez et multipliez! Remplissez la terre et soumettez-la! Commandez aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, à tous les animaux qui se meuvent sur la terre!” » Gn 9.1-3 : Dieu bénit Noé et ses fils, en leur disant: ” Croissez et multipliez, et remplissez la terre! Que votre ascendant et votre terreur soient sur tous les animaux de la terre et sur tous les oiseaux du ciel; tous les êtres dont fourmille le sol, tous les poissons de la mer, est livrés en vos mains. Tout ce qui se meut, tout ce qui vit, servira à votre nourriture; de même que les végétaux, je vous livre tout. »
Voici Kate Raworth (Angleterre 1970- ). Elle est économiste et se consacre aux défis sociaux et environnementaux du 21e siècle. Elle est l’autrice de « La Théorie du Donut, l’économie de demain en 7 principes ».
source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Kate_Raworth.jpg – https://www.flickr.com/photos/boellstiftung/11420988096/ – Auteur : Heinrich-Böll-Stiftung
« Qu’est-ce que ça vient faire dans un média d’Église ? » me direz-vous…
Nous imaginons toujours le progrès comme quelque chose qui grandit. Le savoir doit grandir, l’économie doit grandir, « c’est la volonté de Dieu ! » (cfr Gn 1 et 9), la possession, le pouvoir… Depuis des décennies, des siècles, la seule voie envisagée pour toute organisation, c’est de croître, et cela en partie à cause d’une interprétation orientée des textes sacrés. Pour nous-mêmes et pour nos enfants, pour le futur, il faut tout envisager sous l’angle de la croissance. Le mieux, c’est toujours le plus. Même lorsque nous pensons « spiritualité », il nous faut toujours grandir, recevoir, apprendre. Il faut veiller à être nombreux, à avoir de nombreuses activités, et la prospérité matérielle est devenue preuve de bénédiction ! Une certaine logique économique d’obligation de croissance a tout contaminé jusqu’au témoignage de la foi.
À l’origine de sa réflexion, Kate Raworth avait dessiné un cercle, qui illustrait une zone où la population mondiale pourrait bien vivre, de manière sereine, en subvenant à ses besoins. Le dessin de la satisfaisait pas, à cause des inégalités de toutes sortes. Après quelques temps, elle a intégré un cercle dans le cercle, aboutissant à un donut ! Dans le cercle intérieur, elle a placé les besoins essentiels ; dans le cercle extérieur, elle a placé les difficultés auxquelles chaque époques est confrontée. L’entre-deux illustre l’espace dans laquelle toute l’humanité devrait pouvoir trouver sa place, dans l’équité et la justice. À l’encontre d’une représentation de croissance en ligne montant toujours plus haut, le donut de Kate Raworth rappelle que les ressources ne sont pas extensibles à l’infini, et que la croissance tient dans l’équilibre (source : bonpote.com).
Cela concerne t’il l’Évangile ? Cela vaut-il pour les religions , pour l’Église ?
Dans la mesure où nous nous contentons de grignoter l’héritage des XIX et XX siècle qui nous paraît sécurisant et stable, oui, nous sommes nous aussi, dans l’Église, en danger de tomber de haut, si nous restons prisonniers de la vieille logique de croissance exponentielle, la logique d’évangélisation évaluée sur le numéraire…
Pour sortir de cette logique, comment pouvons-nous inscrire la foi, l’Évangile, la vie communautaire, le témoignage de l’Église dans ce grand donut ? C’est un immense défi ! Un défi qui nous oblige à nous déposséder de « ce bon vieux temps », nous déposséder de nos souvenirs, de nos logiques. À nous déposséder même de nos interprétations et de nos représentations bibliques pour en renouveler le sens ! Mais n’est-ce pas aussi cela : « croître » ?
Pasteur Marie-Pierre Tonnon-Louant.