Courez de manière à remporter le prix !

Les 27 et 28 septembre prochains se tiendra le rassemblement régional du district du Hainaut occidental de l’Église protestante unie de Belgique à Genval, sur le thème « … Courez de manière à remporter le prix ! ». Ainsi formulé, la première chose qui nous vient à l’esprit, c’est le sport, mieux la pratique d’activités sportives. Quand on parle de sport, chacun-e a son mot à dire. Les uns vont s’y prendre en tant que des passionnés et/ou des pratiquants d’une ou de plusieurs disciplines sportives. Les autres le feront simplement comme des amateurs en la matière et/ou comme des fans des sportifs. Que ce soient les pratiques de loisirs, autonomes, encadrées, compétitives, professionnelles, etc. force est de reconnaître que les modalités et les motivations qui les soutiennent sont variées. De plus, derrière chaque personne qui pratique un sport (d’équipe ou non), se trouve une communauté (familles, amis, staffs, etc.) qui l’entoure et l’accompagne. Cet accompagnement peut être informel et implicite, ou formel et plus structuré selon les contextes. Par ailleurs, et de manière générale, nous sommes toujours émerveillés par les performances des sportifs à tous les niveaux et de tous les âges.

Revenant sur notre thématique, quel lien y a-t-il entre le sport et la foi chrétienne ? Une réponse possible consisterait pour nous à relire un extrait de la première épître de Paul aux Corinthiens.

« 24 Ne savez-vous pas que ceux qui courent dans le stade courent tous, mais qu’un seul remporte le prix ? Courez de manière à le remporter. 25 Tous ceux qui combattent s’imposent toute espèce d’abstinences, et ils le font pour obtenir une couronne corruptible ; mais nous, faisons-le pour une couronne incorruptible. 26 Moi donc, je cours, non pas comme à l’aventure ; je frappe, non pas comme battant l’air. 27 Mais je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur d’être moi-même rejeté, après avoir prêché aux autres. » (1 Cor 9, 24-27).

Il est primordial de situer brièvement l’épître aux Corinthiens dans son contexte du monde gréco-romain du Ier siècle afin de mieux saisir la portée de ce passage. Corinthe était une ville prospère, cosmopolite, traversée par différentes influences, où se déroulaient les Jeux isthmiques, compétition sportive majeure de l’époque. À l’instar des Jeux Olympiques, ces jeux mettaient en avant l’effort physique, la discipline, la quête de la victoire et la célébration des champions. Paul, qui est très familier avec la culture de ses destinataires, utilise ici une image parlante, accessible à tous, pour mettre en évidence le sérieux de la vie chrétienne et l’importance d’une discipline intérieure.

L’apôtre Paul aborde le sujet des athlètes non pour s’offusquer de l’existence de ce phénomène, mais plutôt comme une source d’inspiration. En utilisant cette métaphore remarquable, Paul incite la communauté de Corinthe à témoigner de sa foi en Christ avec la rigueur, la discipline et la détermination d’un athlète qui vise la victoire. Dans l’Antiquité, le stade était un lieu public où les athlètes prestaient sous les regards de tous. De même, la vie du croyant, bien qu’elle soit personnelle, a également une dimension communautaire et visible.

Au fil des siècles, ce texte ne cesse de recentrer la vie chrétienne sur l’exigence du don de soi, de la persévérance et de la maîtrise personnelle. En utilisant l’image de la course, Paul utilise un référentiel où le vainqueur reçoit la reconnaissance de tous et marque le temps par son nom. Dans cette optique, l’apôtre Paul ne cherche pas à provoquer une compétition malsaine entre croyants, mais plutôt à souligner l’excellence que requiert la foi.

L’expression « Un seul reçoit le prix » souligne la radicalité de l’engagement. Il ne s’agit pas de rivaliser avec les autres, mais de donner le meilleur de soi-même. L’apôtre Paul ne prône pas une foi confortable ou passive, mais plutôt une dynamique de dépassement de soi et de lutte contre la facilité. Comme dans une course, l’effort est continu, la vigilance est de mise et la tentation de s’arrêter ou de se relâcher doit être constamment combattue. Cette image vient rappeler que l’Évangile n’est pas un message d’inaction. Bien plus, l’Évangile appelle à se lever, à avancer, à persévérer, pour devenir le soi que nous sommes appelés à devenir à la suite de Jésus.

En outre, si le verset 24 met en avant les éléments d’entraînement que l’athlète devra inclure dans son emploi du temps, le verset 25 met en exergue les éléments que l’athlète devra délaisser. Effectivement, comme le dit l’adage, « qui veut aller loin, ménage sa monture », l’athlète qui désire sérieusement réussir devra nécessairement faire des choix conséquents pour se séparer des choses susceptibles de nuire à la qualité de son entraînement ainsi qu’à la manifestation de ses pleines potentialités. Comme le souligne Paul ailleurs, « … 20 Ne méprisez pas les prophéties. 21 Mais examinez toutes choses ; retenez ce qui est bon ; 22 abstenez-vous de toute espèce de mal. » (Cf. 1 Thessaloniciens 5). Autrement dit, dans le domaine sportif, non seulement l’athlète doit s’entraîner plus sérieusement, mais en même temps, il ne peut plus manger ou boire ce qui lui plaît. Ses objectifs et ses motivations vont lui dicter une nouvelle manière d’organiser sa vie au quotidien.

L’entrainement acharné n’est pas le but en soi, mais le moyen pour atteindre le but. « Courir de manière à remporter le prix » signifie aussi qu’en plus de savoir bien courir avec la meilleure performance possible dans sa discipline, il faut encore veiller au respect des règles ou de la déontologie qui encadrent ledit sport. A ce propos, le milieu sportif est riche d’exemples de sportifs qui ont été disqualifiés du podium final ou qui ont été obligés de rétrocéder leurs prix pour non-respect des règles du jeu. Il en va de même pour la vie chrétienne.

Paul n’exclut pas la possibilité de l’échec. Même l’apôtre, malgré ses réussites, garde la conscience de sa fragilité et de son besoin de grâce. Cette attitude invite à ne jamais se reposer sur ses acquis, mais à renouveler chaque jour son engagement, avec humilité et dépendance envers Dieu. Au verset 27, Paul dit : « je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur d’être moi-même rejeté, après avoir prêché aux autres ».

Être un disciple du Christ implique de lutter contre les désirs égoïstes, de rester vigilant dans ses actions, ses pensées et ses paroles. Par son témoignage, Paul incarne la détermination et la cohérence. Il ne prêche pas une réalité théorique, mais vit lui-même les exigences qu’il annonce. Sa vie, marquée par les souffrances, les privations assumées et les épreuves, est vue comme un modèle par tous les croyants.

La motivation du croyant ne réside pas dans une gloire immédiate, ni dans une reconnaissance terrestre, mais dans la fidélité à l’appel de Dieu. L’objectif, c’est la vie éternelle dans et par le Christ Jésus. La couronne promise n’est pas une récompense matérielle, mais le signe d’une vie transformée, d’une communion profonde avec le Seigneur de la Vie. Ce prix spirituel n’est pas réservé à un seul, mais à chacun-e de celles et ceux qui persévèrent dans la foi en Jésus jusqu’au bout. Cette perspective donne sens à l’effort quotidien et à la persévérance, même dans l’épreuve.

Si la métaphore du sport met l’accent sur la responsabilité individuelle, elle rappelle aussi la nécessité de s’encourager mutuellement. Comme dans une équipe, chaque membre compte, chaque victoire ou défaite a un impact collectif. La vie d’Église est ainsi un lieu de soutien, d’émulation fraternelle et de partage de la vision.

En somme, le message de 1 Corinthiens 9, 24-27 interroge notre rapport à l’effort, au temps, à la motivation. Dans une société du « tout, tout de suite », il nous invite à redécouvrir la valeur du travail patient, de la persévérance et de la discipline. Que ce soit dans la vie spirituelle, professionnelle ou familiale, cette sagesse inspire à poursuivre l’excellence, sans oublier la finalité ultime : vivre en accord avec Dieu. En outre, dans le sport comme dans la vie chrétienne, les acquis sont fragiles. Il suffit d’un déchirement musculaire, d’une rupture de ligaments ou d’un moment d’inattention pour que tout soit remis en cause, ou même un moment de contre-performance qui pousse le sportif à abandonner.

Dans 1 Corinthiens 10 verset 12, Paul dira : « … que celui qui croit être debout prenne garde de tomber ! ». C’est pourquoi, avec la résilience et l’humilité qui caractérisent le sport et la vie chrétienne, la fragilité de la vie se fraye un chemin de vérité qui nous ramène à l’essentiel, comme nous y incite l’apôtre Paul avec sa référence aux meurtrissures du corps. Cela étant, l’échec, même répété, ne signifie pas que tout est perdu ; car la fragilité de la vie nous ouvre la perspective du rebond, du relèvement, de la résurrection, qui reste toujours de l’ordre du possible.

La vie chrétienne est une course exigeante, mais porteuse de promesses inestimables. Elle requiert une discipline joyeuse, une persévérance résolue et une confiance humble en Dieu. Chaque étape franchie, chaque effort consenti trouve son sens dans la perspective de la couronne incorruptible, signe de la victoire de l’amour sur toutes les formes de passivité ou de résignation.

Courons de manière à remporter le prix de la vie céleste en Jésus-Christ, le Seigneur de la Vie !

Past. Frédéric Teulé

 

image : Med Ahabchane sur Pixabay

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