Journée d’étude
Mercredi 29 novembre 2023 à l’hôtel communal d’Etterbeek
Du “bon voisinage” dans la cité :
enjeux de la co-habitation culturelle et religieuse
Accès gratuit et inscription en ligne :
https://futp.be/formulaire-inscription-je/
https://caresbrussels.org/evenements/journee-etude-bon-voisinage/
Argumentaire
Dans un monde en constante mutation caractérisé par des mobilités généralisées, la cohabitation entre les différents groupes culturels, ethniques, et religieux qui composent une collectivité suggère des opportunités nouvelles tout en soulevant des défis majeurs tels que replis et frictions identitaires. La notion de voisinage revêt une importance capitale pour la compréhension des dynamiques de pluralisation de nos sociétés contemporaines et des conjonctures auxquelles elles sont confrontées.
La coexistence des différentes cultures au sein d’un pays, d’une région ou d’un quartier se manifeste à travers une multitude de dimensions, notamment la langue, les référentiels historiques ou religieux, la tradition et les coutumes dont les personnes se réclament, l’art, la musique, l’alimentation et biens d’autres aspects concrets et fondamentaux de la vie humaine. C’est dire que le voisinage ne se limite pas à une dimension spatiale, mais englobe également des liens sociaux, culturels et moraux riches et complexes dans un espace partagé.
Le voisinage – avec ceux que l’on n’a pas choisi – ne se perçoit pas seulement dans un « face à face » souvent inquiétant marqué par des incongruences et incivilités [mais sur quelles références celles-ci sont-elles définies ?]. Il peut être aussi l’expérience d’un « côte-à-côte » où s’élabore un « savoir-habiter les lieux partagés » (L’Heuillet). Ce savoir-habiter est fait de civilité, d’attentions et d’inattentions volontaires (Le Goff) maintenant un équilibre entre proximité et distance et définissant ainsi le lieu (une place, un marché, une rue) par les liens.
Si l’enjeu propre du voisinage, dans le contexte urbain, est de faire coexister l’hétérogène, l’expérience de cette coexistence dans un lieu commun partagé suscite aussi plus profondément l’expérience d’être « déterminé par l’autre », au point où « le sentiment d’exister est sentiment de coexister (…) L’existence est toujours coexistence » (L’Heuillet).
L’adage est bien connu : « On ne choisit pas sa famille ». Si les relations familiales nous incombent, il en va de même pour le voisinage, qui peut s’avérer une expérience traumatisante ou susciter au contraire des formes nouvelles de mutualité et de solidarité, « les marges [des villes] n’étant plus vues alors seulement comme des lieux d’anomie mais aussi comme des sites d’invention de nouvelles normes » (Keck).
La concentration et l’interaction en certain lieux de personnes de différents pays d’origine, partageant certaines activités économiques et sociales, n’entrainent pas nécessairement tensions et conflits. Au contraire, ces « canopées cosmopolites » (Anderson) s’avèrent le lieu d’émergence de compétences interculturelles remarquables. Les concentrations « super diverses » de langues, d’origines et de marchandises, d’ambitions et de restrictions (Hall), favorisent le dépassement des traditionnelles solidarités socioreligieuses au profit de nouvelles alliances. Celles-ci procèdent de l’agentivité (agency) et de l’autonomisation des acteurs dans leurs parcours et leurs choix, débordant ainsi les logiques communautaires.
Ces « dynamiques informelles » (Mareels) qui opèrent dans les périphéries des grandes capitales juxtaposant souvent les plans économique, social, culturel et religieux participent à la « fabrique de l’espace urbain », inventant des modalités inédites de coexistence entre des acteurs aux référentiels hétérogènes.
Quant à la cohabitation des religions, en dépit des « disqualifications sur les pratiques et les croyances de l’autre » nourries par l’imaginaire de chaque religion (Maskens), le « pragmatisme du vivre ensemble au quotidien » (Mareels) semble primer sur les logiques prosélytes. A l’encontre de l’opinion commune, troublée par le prisme déformant de certains medias, l’« intransigeantisme religieux » n’empêche pas des logiques de participation sociale : « L’attachement à des formes de croire religieux » ne va pas forcément « à l’encontre d’une identification à la société globale et d’un souci pour le monde commun » (Lamine).
Après son colloque fondateur à l’automne 2022, le CARES propose une journée d’étude sur les enjeux de la cohabitation culturelle et religieuse à Bruxelles. Dans cette « ville-monde » – qui exemplifie le concept de superdiversité (Vertovec), des individus d’origines multiples cohabitent et interagissent au quotidien faisant germer des expériences inter- et trans-culturelles multiples.
Dans une perspective pluridisciplinaire, associant les approches socio-anthropologique, juridique, philosophique, théologique, avec la réflexion d’éducateurs et de « créateurs de contenu », cette journée d’étude veut penser de manière critique les enjeux liés à cette diversité culturelle et religieuse.
Comment appréhender les représentations et les stéréotypes que les « communautés » véhiculent les unes par rapport aux autres ? Qu’en est-il des représentations du voisinage ? Qu’en disent les religions, avec la persistante prégnance de leurs textes fondateurs ? Quelles mutations s’opèrent à bas-bruit dans le rôle identitaire de ces grands récits ? Comment prendre la mesure du différentiel entre les perceptions intimes et communautaires ? Autant de questions auxquelles les intervenants tenteront de répondre, esquissant les contours d’une « éthique du voisinage ».
Références
– Anderson, E. (2011). The Cosmopolitan Canopy: Race and Civility in Everyday Life. W.W. Norton.
– Hall, S. M. (2015). Super-diverse street: a “trans-ethnography” across migrant localities. Ethnic and Racial Studies, 38-1, 22-37.
– Keck, F. (2012). Goffman, Durkheim et les rites de la vie quotidienne. Archives de Philosophie, 3, 471-492.
– Lamine, A.-S. (2020). Identités religieuses, appartenance communautaire et participation sociale, Revue du droit des religions 10, 105-121.
Le Goff, A. (2012). Identité, reconnaissance et ordre de l’interaction chez Erving Goffman. Dans D. Cefaï & L. Perreau (dirs.), Erving Goffman et l’ordre de l’interaction (pp. 369-388), CURAPP-ESS/CEMS-IMM.
– L’Heuillet, H. (2016). Du voisinage. Réflexions sur la coexistence humaine. Albin Michel.
– Mareels, E. (2016). Des portes de la ville à la conquête des nations : spiritualisation du local et du global chez les pentecôtistes brésiliens de Bruxelles, Religiologiques, n°33, 125-154.
– Maskens M. (2008). Ethnographie du voisinage : des Églises pentecôtistes dans un quartier musulman de Bruxelles. Dans A.-S Lamine, F. Lautman & S. Mathieu (dirs.), La religion de l’autre. La pluralité religieuse entre concurrence et reconnaissance (pp.121-132), L’Harmattan.
– Vertovec, S. (2022). Superdiversity. Migration and social complexity. Routledge.
Programme
Heure | |
9.00 – 9.15 | Accueil des participants |
9.15 – 9.45
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– Allocution de Mme Colette Njomgang-Fonkeu, échevine de l’enseignement, du sport et de la culture
– Introduction au thème de la journée d’étude |
9.45 – 11.15 : |
– Olivier Abel (philosophe, IPT Paris-Montpellier), Considérations sur les proximités anonymes.
– Jean-François Husson (socio-politiste, ULiège), “Vivre ensemble” ou “vivre côte à côte” ? Quelle politique publique des communautés convictionnelles en Belgique ? – Sophie Bava (socio-anthropologue, IRD/AMU Aix-Marseille-Université), La partition religieuse et citoyenne des Sénégalais mourides de Marseille – de l’économie de Bazar au colloque Peace Islam. |
11.15-11.30 | Pause-café |
11.30- 12.15
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– Jeanine Mukaminega (bibliste, FUTP-CARES) et Mostafa Yagoubi (Dr littérature arabe, Sorbonne) « L’homme à la baleine » et la Ninive cosmopolite revisités par la jeunesse musulmane et protestante d’un Athénée royal bruxellois |
12.15 – 13.45 | Pause de midi |
13.45 – 15.15
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– Gregory Vandamme (islamologue, FNRS/UCLouvain), Universalité, altérité et pluralité : comment les théologiens de l’islam ont-ils pensé le vivre ensemble et le bon voisinage ?
– Maïté Maskens (anthropologue ULB), Le « travail de Dieu » dans le quartier : sur les formes de cohabitation religieuse à Bruxelles – Bernard Coyault (anthropologue FUTP), Cureghem, canopée cosmopolite ? De l’imbrication des pratiques et des espaces religieux et économiques |
15.15 – 15.30 | Pause |
15.30-16.30 | – Marie Paule Mugeni (artiste, slameuse), Préjugés entre « Noirs et Arabes » (slam)
– table ronde / débat, Les dits et les non-dits – Conclusion |
16.30 -17.30 | Pause |
Cérémonie de remise de titre de docteur Honoris Causa au professeur Olivier Abel | |
17.30 – 19.00 | Cérémonie – éloge – temps musical |
19.00 | Cocktail dinatoire / prestations artistiques |
Accès gratuit et inscription en ligne :
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https://caresbrussels.org/evenements/journee-etude-bon-voisinage/