À l’occasion du colloque sur les 500 ans de la Réforme protestante, le Président Macron a invité les protestants à rester actifs et vigilants.
Il était un peu plus de 21h, sous les ors du salon d’honneur de l’Hôtel de Ville de Paris. Emmanuel Macron parlait depuis quarante minutes aux protestants rassemblés à l’occasion du 500èmeanniversaire de la Réforme. Il a décrit longuement la relation particulière qu’il avait nouée naguère avecPaul Ricœur, admettant sans apprêt qu’il s’est longtemps demandé pourquoi le philosophe l’avait choisi, croyant trouver la réponse dans une phrase émouvante et mystérieuse de l’homme de Châtenay-Malabry: « vous êtes mon contemporain ». Le président de la république a repris la phrase d’Emmanuel Levinas, « La confiance est le problème de l’autre », afin de reconnaître qu’il se sentait, en quelque sorte, obligé par le crédit qui lui était accordé. Citant Vladimir Jankélévitch, il a estimé que la confiance était un viatique éternel. Puis, fondant son ultime démonstration sur une pensée de Jean Baubérot, il a souhaité que les protestants conservent leur esprit critique. Enfin, d’un souffle emprunt d’une véritable affection, le chef de l’Etat a murmuré : « Allons, bon anniversaire à tous ». Alors, pris d’émotion, les six cents personnes présentes l’ont applaudi de manière si chaleureuse qu’Emmanuel Macron, quelques secondes, en a presque oublié la formule rituelle : « vive la république, vive la France ». Hier le protestantisme était à la fête.
Tout a commencé, ponctualité calviniste, à 14 heures. Madame la maire de Paris, Anne Hidalgo, souriante, a souhaité bienvenue, soulignant ce qui, dans le protestantisme, l’inspirait : la fidélité républicaine, la vigilance à l’égard des réfugiés. « Votre Réforme est une part essentielle de notre vie commune, du patrimoine que tous les humanistes ont en partage » a-t-elle déclaré. François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, a de son côté réaffirmé que le protestantisme peut devenir source et ressource pour chacun : « la spiritualité a sa place dans le secret des cœurs tout autant qu’au cœur de la cité ». L’historien Patrick Cabanel, organisateur du colloque, a rappelé qu’une religion n’est jamais seulement une religion : « elle est aussi, en même temps une culture, une littérature, une politique, une esthétique, une pédagogie ».
La richesse, la qualité des rencontres du vendredi après-midi – la manière dont la plupart des intervenants devaient s’exprimer, non pas depuis leur fauteuil, mais derrière un pupitre, encourageant ainsi le public à suivre leur prise de parole comme on le fait d’une conférence – tout cela tint le public en haleine.
La vie, la pensée, la grandeur et les misères de Luther, la variété de la Réforme, ses aspects géopolitiques, mais encore les protestants dans le regard des autres, on peut dire de cette première journée qu’elle fut copieuse en réflexions, tableaux d’histoire, panoramas sociologiques. Le théologien Michel Bertrand n’a pas manqué de faire connaître le bel ouvrage collectif qui vient de paraître : « Les protestants 500 après la Réforme » (éditions Olivetan, 29€ ).
Le soir, la venue du président de la République a conduit Anne Hidalgo à redire que les protestants représentent, selon elle, une avant-garde quand il s’agit de défendre les droits de l’homme et que, rejetant les nostalgies mortifères, ils cultivent ce qu’elle nomme « le sens du présent » – ce qui dans son esprit les entraîne à la vigilance, à l’action. François Clavairoly, rappelant la complexité de la Réforme, admettant qu’elle s’est déroulée dans un siècle de « feu et de sang », a fait comprendre en quoi cette commémoration pouvait inspirer nos concitoyens aujourd’hui : « [La Réforme a fait] naître les temps moderne, où les nations et les confessions se cherchent de nouveaux territoires, où les idées humanistes et celles des Lumières, si nourries à l’Evangile- contrairement à ce que certains osent encore disent, portent sur les fonds baptismaux la liberté de conscience et peu ou prou une nouvelle donne du théologico-politique ».
En réponse, Emmanuel Macron a martelé que la laïcité républicaine n’était pas le rejet des religions hors de l’espace public. « Comme président d’une république laïque, je serais tenté de saluer l’œuvre séculaire des protestants pour les libertés en France. Ce serait éluder quelque peu ce qui vous réunit ici : dans une réflexion commune menée dans le cadre de ces 500 ans de la Réforme et ce serait éluder votre foi. Nous pouvons tout à loisir adopter à l’égard des religions une vision entièrement culturelle. Mais cette Réforme dont nous parlons fut d’abord un geste de foi. Ce fut même un des plus grands ébranlements de la spiritualité européenne. Ma conviction profonde est que je ne rendrais nullement service à la laïcité si je m’adressais à vous comme à une association philosophique. Votre identité de protestants ne se construit pas dans la sécheresse d’une sociologie, mais dans un dialogue intense avec Dieu et c’est cela, ce que la république respecte ».
En témoignant des multiples visages du protestantisme français, le président de la république a rendu hommage au « foisonnement intellectuel de l’hebdomadaire Réforme ». Une reconnaissance qui nous a touchés, une déclaration de confiance qui, pour reprendre le chemin d’Emmanuel Levinas, nous oblige… à cultiver notre esprit critique.
Frédérick Casadesus
Si vous voulez regarder le discours du président :
https://www.pscp.tv/EmmanuelMacron/1ynJOVBEmjzGR?t=60
Article de Réforme à retrouver sur : https://www.reforme.net/religions/protestantismes/emmanuel-macron-et-anne-hidalgo-fetent-les-500-de-la-reforme-protestante/