Focus pédagogique en catéchèse : Dessiner une histoire… sur certaines parties du corps ?

Le dessin est un type d’expression qui permet aux individus de représenter sur une surface donnée (papier, mur, corps, toile, etc.) des idées, des émotions appréhendées, des objets imaginaires ou réels au moyen d’outils tels que des crayons, des stylos ou des pinceaux.

C’est un fait établi, le dessin est une activité bénéfique pour le développement cognitif et moteur des enfants. Bien au-delà de ces deux aspects, le dessin leur permet aussi d’exprimer librement leur créativité et leur imagination tout en affirmant leur personnalité. Au travers de leurs croquis, esquisses, schémas, « gribouillis » ou illustrations parfois rudimentaires parce ne reflétant pas totalement leurs représentations mentales, les enfants offrent des projections de leur état émotionnel ainsi que des représentations fortes de leur vision du monde et de leurs questionnements existentiels. C’est pour dire que le dessin est un vecteur pédagogique qui permet de passer de « l’intention à l’action »[1] ( Picard & Baldy 2012 : 48) et qui participe à la matérialisation (visuelle et schématisée) d’idées ou d’histoires transmises par le fait du langage.

Cet outil pédagogique réputé dans le secteur de la psychologie de l’enfant est couramment utilisé dans le cadre d’une animation catéchétique comme un moyen de développer ses capacités mémorielles et de s’approprier des histoires et réflexions bibliques ou existentielles.

Kaisa Aitlahti (pasteure dans l’Eglise luthérienne de Finlande) et Satu Reinikaine (conseillère en travail de jeunesse) sont des formatrices en éducation de la petite enfance et en activités familiales. Leur livre « Tu es une merveille » offre à côté de l’approche classique du dessin une variante pour le moins novatrice visant à évoquer des récits sur l’eau du baptême et l’amour de Dieu. La traduction française vient de paraître aux éditions OPEC et Olivétan, publiée en partenariat avec les services de catéchèse des Églises protestantes francophones (Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine, Église protestante unie de Belgique et Églises réformées de Suisse romande) sous la coordination de Marion Heyl et d’Amandine Mayer-Sommer.

Qu’est-ce qu’il y a de novateur dans cette démarche pédagogique ? Kaisa Aitlahti  et Satu Reinikaine  explorent dans « Tu es une merveille » l’art de narrer une histoire en la dessinant… sur certaines parties du corps (bras, dos, arrière de la tête et épaules). Les crayons, les feutres et les stylos sont remplacés par les doigts, la main ou un pinceau sans peinture. D’autre part, les supports tels que le papier ou  la toile sont substitués au corps. Si l’ouvrage est destiné au départ au contexte familial, les services francophones de catéchèse et la COC (Commission des Orientations catéchétiques) ont trouvé intéressant d’élargir son utilisation dans le champ de la catéchèse ecclésiale et  des célébrations familiales (Aitlahti  & Reinikaine 2024 : 5).

Dessiner une histoire sur certaines parties du corps ? Quel en est intérêt pour la catéchèse ?  

Mise en garde ! Avant d’aller plus loin dans cette méthode de narration, il faut souligner que toucher le corps, qui plus est, le corps d’un enfant mérite un cadre soigneusement réfléchi et balisé.  Ce qui implique de la part des responsables de la catéchèse ou de la personne qui effectue la narration la mise en place d’un environnement à la fois sécurisant et respectueux afin de protéger les enfants d’abus et de contacts inappropriés.

Ceci étant dit,  voici en quelques lignes les motifs pédagogiques qui expliquent l’intérêt de Kaisa Aitlahti  et Satu Reinikaine  pour le dessin d’histoires sur le corps : « Lorsque plusieurs de nos sens sont sollicités pour entrer dans une histoire, elle s’inscrit bien mieux en nous que lorsqu’elle est juste entendue. Le contact précède le langage, et il permet de ressentir au-delà des mots ce que véhicule un récit [… ]. Les moments partagés autour de ces histoires entre le narrateur et l’enfant peuvent renforcer leur relation et amener à un sentiment de sécurité et de bien-être »[2] (Aitlahti  & Reinikaine 2024 : 4).

Plusieurs techniques de narration d’histoires ont déjà vu le jour et sont pratiquées dans le cadre d’une animation catéchétique : les récits interactifs, l’utilisation de marionnettes, les histoires animées, les narrations en cercle, les histoires contées avec des objets, etc.  L’avantage de la proposition de Kaisa Aitlahti  et Satu Reinikaine réside dans le fait qu’elle allie de manière concomitante narrations bibliques et prières avec l’acte d’illustrer par le toucher sur le corps, les émotions, les événements, les valeurs, les expériences humaines qui traversent les récits. Cette technique mobilise dans son exercice des sens tels que  l’ouïe  (par le langage),  le toucher (sur les bras, le dos, l’arrière de la tête et les épaules) et la vue (la vision du moment).

Quelques remarques liées à l’importance du dessin sur le corps :

  • Le corps est un support narratif qui permet la mise en scène des histoires

L’histoire du baptême de Jésus (Matthieu 3.13-17)  reprise par Kaisa Aitlahti  et Satu Reinikaine permet aux enfants de visualiser de manière unique ce récit, en transformant certaines parties de leurs corps en un support narratif vivant. Les interactions sensorielles qui en émanent (vue, ouïe et toucher) leur permettent d’une part de mieux se projeter dans l’histoire ou s’approprier la prière racontée en même temps, et d’autre part de créer une expérience plus riche en ce qu’elle est  différente de celle que l’on ressent en isolant chaque sens.

En respectant le corps de l’enfant, le narrateur l’accompagne dans une spiritualité chrétienne qui s’intéresse aux interactions entre plusieurs sens.

  • Le dessin sur le corps est une extension du contact qui véhicule des expressions émotionnelles (amour, joie, colère, tristesse, etc.) et ou des réalités spirituelles (baptême, prière, rites, confiance, etc.)

En plus des mots et des émotions qui peuvent transparaître dans la voix et les gestes pendant une narration « classique », le contact avec le corps par le toucher est essentiel pour établir et renforcer une autre forme de connexion émotionnelle et spirituelle. C’est une chose d’entendre par exemple Jésus dire dans une histoire  « Je t’aime Annabelle », et c’en est une autre pour la fillette de ressentir cet amour dessiné sur son corps avant d’y répondre. Il s’agit de passer d’une idée vraie et réconfortante, mais qui pourrait cependant rester abstraite pour l’enfant, à une expérience personnelle et immersive dans laquelle ce dernier ne se contente pas seulement de mots et d’une compréhension intellectuelle, mais perçoit ces aspects cognitifs dans son être, tout comme par un câlin, les parents démontrent leur « Je t’aime » à leur enfant.

En combinant langage et contact, le narrateur joue ce rôle de passeur dans la spiritualité enfantine.  

  • Les enfants sont aussi acteurs du dessin sur le/leur corps

« 0n peut tout à fait proposer aux enfants de dessiner l’histoire chacun sur sa main, sa jambe (en position assise) ou son bras ; ou que l’adulte raconte l’histoire et que les enfants la dessinent l’un sur l’autre  ; ou encore que les enfants se placent en cercle et que l’histoire soit dessinée sur celui ou celle qui est devant… » (Aitlahti  & Reinikaine 2024 : 5).

Le dessin sur le corps invite les enfants à s’approprier et transcrire les histoires avec créativité et imagination. Lorsqu’ils se dessinent les uns sur les autres avec leurs doigts ou des pinceaux (sans peinture) à l’écoute de l’histoire,  il y a non seulement dans cet acte une dimension ludique, joyeuse, mais aussi des expériences partagées qui enrichissent leur compréhension narrative du sujet, renforcent les liens affectifs avec leurs camarades et animateurs/trices, et promeut entre eux un climat d’ouverture, d’amour et de confiance.

En considérant les enfants comme des acteurs à part entière dans cette approche catéchétique, cela participe à une diversité de manières d’illustrer les récits. L’expérience peut être réitérée en interchangeant les enfants.

Quelques consignes méthodologiques pour dessiner une histoire…

A la découverte de « Tu es une merveille » : contenu et public cible

Dans  « Tu es une merveille », Kaisa Aitlahti  et Satu Reinikaine invite « à un voyage à travers des récits sur l’eau du baptême, des récits qui nous parlent de l’amour de Dieu. Les histoires permettent de parler du baptême avec les enfants, en famille ou en Église, et de s’en émerveiller. Il peut par exemple être offert à l’occasion d’un baptême ou utilisé avec des groupes d’enfants »[3].

C’est également un excellent outil pour les pasteur.e.s qui préparent les enfants au baptême.

 

Vous trouverez plus d’informations en visitant  le site : Tu es une merveille (editions-olivetan.com)

 

Bibliographie 

[1] Picard, D. et Baldy, R. (2012) . Le dessin de l’enfant et son usage dans la pratique psychologique. Développements, (n° 10(1), 45-60). https://doi.org/10.3917/devel.010.0045.

[2] Aitlahti, K. et Reinikaine, S.  (2024). Tu es une merveille, Lausanne/Lyon, OPEC/Olivétan.

[3] Voir Livre : Tu es une merveille – Regards protestants

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