La Bible au chevet de l’environnement

Albert Guigui, grand Rabbin de Bruxelles, évoque le respect de la création auquel invitent le récit biblique et le Talmud avant de proposer la création d’une journée européenne de l’arbre.

 

L’Europe panse ses plaies. Les dernières inondations ont fait des centaines de victimes en Allemagne et en Belgique. Elles ont ravagé des villes et des villages et ont provoqué des évacuations massives. La Grèce, de son côté, lutte encore aujourd’hui contre les violents incendies qui dévorent forêts et habitations. Plus de 100 000 hectares de forêt ont été brûlés en deux semaines.

Parallèlement à cela, ce lundi 9 août, le Giec vient de publier son rapport. Il détaille l’étendue des transformations qui s’opèrent sur notre planète. Élévation du niveau des mers, fonte des glaciers, réchauffement des océans, déplacement des espèces vers les latitudes plus élevées etc.

« L’amplitude et la vitesse à laquelle notre planète se réchauffe n’ont pas d’équivalent dans l’histoire récente de la Terre, » affirme Samuel Jaccard, climatologue à l’Université de Lausanne, l’un des coauteurs du rapport.

 

Pourquoi et comment ?

Durant des siècles, un équilibre harmonieux existait entre l’homme et son environnement. Depuis le début du siècle dernier, l’homme moderne, surtout dans les pays riches, a dilapidé les richesses naturelles. Pour satisfaire ses besoins sans cesse croissants, il a violé les lois de la nature ce qui a créé inéluctablement un accroissement des émissions de gaz à effet de serre responsables d’un changement climatique risquant de plus en plus de dévaster la planète.

Parlant du respect et de la protection de l’environnement, la Bible écrit : « Si tu es arrêté longtemps au siège d’une ville que tu attaques pour t’en rendre maître, tu ne dois cependant pas en détruire les arbres en portant sur eux la cognée : ce sont eux qui te nourrissent, tu ne dois pas les abattre. Car l’homme est un arbre du champ, tu l’épargneras dans les travaux du siège (1). »

Dans ce précepte biblique, nous trouvons l’idée qui est aujourd’hui au premier plan des préoccupations de l’homme : la conservation de l’environnement, la prévention de la destruction des plantes et du cheptel, les limitations de la pollution de l’air, de l’eau douce et de l’eau de mer pour protéger le système écologique qui rend la vie possible.

Une lecture attentive du récit biblique de la création révèle un sentiment de profond respect de la nature. Adam le premier homme, est placé dans le jardin d’Eden « pour le cultiver et le protéger ». La surveillance et l’entretien de l’environnement sont les deux premiers commandements que Dieu a donnés à Adam, l’homme universel.

Parlant du respect de la création, le Talmud raconte : « Quand le Tout-Puissant créa l’homme, il lui fit faire le tour du jardin. Regarde mes œuvres, dit-Il, comme elles sont belles et réussies. Tout ce que j’ai créé, c’est pour toi que je l’ai créé. Prends donc garde à ne point dégrader ni détruire mon univers ; si tu le faisais, personne ne pourrait y remédier. »

À quoi assistons-nous aujourd’hui ? L’homme pollue de façon honteuse. Il détruit les forêts sans vergogne. Il pompe les richesses naturelles sans discernement. Quelle est la conséquence ? Les tsunamis, les catastrophes naturelles. Ce n’est pas Dieu qui punit l’homme. C’est l’homme qui se punit lui-même.

 

La fête de l’arbre

Dans la tradition juive, nous célébrons une petite fête appelée, la fête de l’arbre. Durant cette fête, la seule obligation que nous avons est celle de planter un arbre. Aussi, en ce jour, en Israël, les enfants des écoles primaires et secondaires, se rendent avec leurs enseignants dans les forêts et plantent chacun un arbre. En un jour, on plante des centaines de milliers d’arbres.

 

Je propose de créer la journée européenne de l’arbre. Durant cette journée, les enfants des 27 pays de l’Europe devront se rendre dans les forêts de leurs pays respectifs et y planter chacun son arbre. Combien de forêts nous reboiserons en un jour. Chose tellement facile à réaliser et tellement importante pour notre environnement. Mais ce qui importe le plus, c’est l’aspect pédagogique de cette journée, journée qui sera l’occasion pour les enseignants de sensibiliser la génération montante aux problèmes de l’environnement. Nous donnerons ainsi à nos enfants la possibilité d’enfoncer leur racine dans le terreau européen et surtout de se familiariser avec cette nature sauvage et belle.

Autre proposition que j’aimerais avancer : dans la tradition juive, toutes les cérémonies religieuses et familiales se conjuguent avec les arbres. On plante des arbres à l’occasion d’une naissance, d’un mariage, d’un anniversaire, d’un décès etc. Ainsi on contribue non seulement au bien-être de l’humanité mais surtout à immortaliser le souvenir d’un événement ou le souvenir d’un être cher. Adoptons alors, le slogan suivant : « En Europe, disons-le avec des arbres. » et lançons une action de plantation d’arbres tous azimuts.

→ PORTRAIT. Ernst Zürcher, au cœur des arbres

Le chapitre 25 du Lévitique et le chapitre 35 du livre des Nombres constituent un corpus important des lois bibliques sur l’environnement. Il s’intéresse essentiellement à l’urbanisme. Une des idées de base de l’urbanisme dans le texte biblique est l’idée de visibilité verte. C’est-à-dire que la ville soit encerclée par un anneau de végétation verte et rafraîchissante.

Trois objectifs majeurs étaient devant les yeux du législateur biblique : empêcher l’expansion incontrôlée de la zone urbaine ; créer une séparation claire entre les zones industrielles et résidentielles et renforcer le contact entre les résidents de la ville et le monde naturel en permettant au parc de la ville d’être accessible à tous.

En guise de conclusion, deux citations extraites du Talmud :

« Si tu es en train de planter un arbre et que l’on te dise : le Messie est venu. Continue à planter ton arbre, après quoi tu iras accueillir le Messie. » Le Messie attendra.

« Lorsqu’on coupe un arbre fruitier, sa voix s’élève d’une extrémité à l’autre de la terre ».

Oui ! Porter atteinte à un arbre, c’est porter préjudice à l’humanité tout entière. C’est mettre en danger l’homme et son environnement.

Albert Guigui, grand Rabbin de Bruxelles

(1) Dt. XX, 19

Cet article est paru pour la première fois dans le journal La Croix : https://www.la-croix.com/Debats/Bible-chevet-lenvironnement-2021-08-17-1201171083

Publié avec l’aimable autorisation d’Albert Guigui

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