La désobéissance du corps

Que faire quand le corps, maîtrisé depuis des décennies, habitué à obéir malgré les défaillances, peu à peu se met à désobéir, pour finir par se révolter méchamment ?

Que faire, sinon réfléchir au sens de cette désobéissance ?

Retour de bâton d’absence d’écoute, ou du moins de peu d’écoute des signaux envoyés par le corps ? Il faut continuer, travailler, servir, désobéir soi-même à ces signaux. Un défi qu’on lance à la carcasse : elle n’a qu’à suivre le rythme imposé, l’agenda chargé, qui plaît au fond !

Des regrets ? Eh bien non, pas du tout ! Une vie  bien remplie de travaux divers, d’activités passionnantes, d’engagements variés, de rencontres enrichissantes ou non, quel cadeau d’avoir pu la vivre. Une vie aux côtés de son amoureux qui vous aide à grandir (je vous défends de rire, vu ma taille !), qui vous conduit dans des chemins imprévus, qui vous sort de votre zone de confort, du fait de ses engagements personnels, néanmoins acceptés et vécus en couple. Une vie de famille, bénie par la venue d’enfants, avec lesquels on s’éduque en tant que parents. Une famille qui peu à peu s’agrandit des conjoints parfois exotiques choisis. Quel bonheur, quelle richesse en découvertes et quel travail d’adaptation pour l’ancêtre qu’on est finalement devenue au fil des ans !

 

Oui, que faire quand le corps défaille, a des ratés de plus en plus importants, des désobéissances de plus en plus violentes ?

Et pourquoi « faire » au fond ? Faut-il réellement réagir par l’action à cette désobéissance ?

Il semble que oui, selon les spécialistes. Et donc on va « mijoter » dans une piscine trop profonde alors qu’on ne sait pas nager, à bientôt quatre-vingts ans. On appelle ça de l’hydrothérapie et il paraît que cela fait du bien. Soyons honnête : oui, cela aide vraiment et on n’a pas du tout le temps de mijoter, je vous l’assure.

Et donc on va faire cette kiné toute en lenteur, repérée sur internet par une cousine attentionnée et anciennement kiné elle-même et on va se retrouver par terre pour faire les exercices recommandés.

Et donc on va se retrouver devant le dilemme suivant : ou bien je reste par terre pour la fin de ma vie ou bien j’apprends à me relever, nom d’une pipe, avec une prothèse au genou gauche.

Et donc on va prendre d’autres habitudes, porter moins et peu, adapter le travail et les gestes, apprendre à respecter les « ruines » rafistolées par une chirurgie qu’on espère efficace ! (Si le neurochirurgien et les kinés lisaient ceci, ils feraient une attaque ! Mais bien sûr qu’on va vous soulager, madame ! De la patience !)

 

Que faire encore ? Ralentir. Méditer. Trouver un sens à cette traversée du désert, lieu d’épreuve et de rencontre spirituelle du divin, lieu de reconnaissance pour toutes les marques d’amitié, de soutien reçues de toutes parts, lieu où on éprouve la force de ces liens d’amour qui vous portent à bout de bras, lieu d’humilité et d’acceptation, car il n’y a pas moyen de faire autrement et puis que c’est la sagesse même, pour tous les soins reçus alors qu’on est en apprentissage de la dépendance.

 

Et que faire pour finir ? Avoir confiance. Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu.

Quoi qu’il arrive, on n’est pas seul. Ce n’est pas toujours évident à éprouver et certaines nuits sont parfois longues à vivre… Mais le matin vient toujours avec le sourire de ceux qui viennent rompre votre solitude et vos ruminations.

Et puis. Et puis il y a ce rayon de soleil qui persiste à percer entre les nuages, aujourd’hui, et ces coins de ciel bleu qui illuminent les crocus et les perce-neige.

Promesse de printemps dans un hiver qui doucement s’étire.

 

Every cloud has a silver side. Tout nuage a un côté d’argent.

Chaque jour, je conjugue cette phrase à tous les temps, au cœur de la désobéissance du corps…

 

Yvette Vanescotte

Image par congerdesign de Pixabay

 

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