Le Centre Protestant de Nessonvaux déménage sur les hauteurs du Lac de Warfaaz

Après les inondations du mois de juillet 2021, les bâtiments du Centre Protestant de Nessonvaux ont été gravement sinistrés et sont devenus inutilisables. La question de poursuivre les activités sur le site ou de les déplacer s’est posée avec force.

La localisation du bâtiment en « zone à fort risque d’inondations », les incertitudes par rapport à son éventuelle réhabilitation (permis d’urbanisme, coût des travaux de rénovation, …) rendaient la viabilité du Centre incertaine. Dès lors le Conseil d’Administration a pris la décision d’acheter un bâtiment privé de 2012 à Jalhay, une villa qui respecte les normes de construction récentes. L’isolation est excellente, avec un niveau PEB A, un atout important en terme d’énergies pour le futur !

La réorganisation de la villa en Centre de Rencontres et d’Hébergement est relativement simple. Elle est composée d’une série d’ateliers, de chambres déjà nombreuses et d’équipements énergétiques ainsi que d’un grand jardin et d’une prairie. La sécurité incendie et les travaux de peinture constituent le plus gros des rénovations.

A l’heure ou l’EPUB rentre dans une démarche écologique de grande ampleur, ce choix est apparu comme particulièrement évident.

Le Centre doit également changer de nom. Ce n’est pas un secret, un Centre de Nessonvaux ne peut pas s’appeler de la même façon ailleurs…

L’assemblée générale a souhaité conserver un nom similaire, le CPN s’appellera désormais « Centre Protestant de Warfaaz » (du nom du lac voisin).

 

Quand et comment les activités vont-elles reprendre ?

Nous espérons au plus vite reprendre nos activités ! Mais, hélas, cela ne dépend pas que de nous ! Entre les marchés publics, les subventions à recevoir, le cahier des charges à établir ou encore la disponibilité des entreprises…tout reste encore très flou. Le bureau d’architecture et le CA font tout pour que nous puissions reprendre au plus vite.

 

Et entre juillet 2021 et la réouverture du centre, que fait l’équipe ?  Elle reste la même ?

L’équipe a perdu en un an la moitié de ses effectifs.

Lors des grandes crises, les questions existentielles se posent : qu’est ce qui me tient à cœur dans mon métier ? Pourquoi suis-je là ? Qu’ai-je envie de faire demain ? Quelles sont mes valeurs et celles de mon travail qui me tiennent à cœur ?

Ceux, celles qui sont restées ont trouvé un sens à leur travail et à leur engagement au Centre malgré toutes les difficultés des mois passés et à venir.

Le public nous manque, évidemment, les jeunes avec lesquels nous aimons être en contact et surtout le service aux autres. Nous espérons les revoir bientôt.

 

Entre le 14 juillet et demain, les membres de l’équipe doivent parfois simplement gérer leurs traumatismes et ceux de leurs proches- deux membres ont vécu les inondations du CRH, dont l’une logeait sur place. Nous avons réhabilité nos maisons.

 

Et puis, au niveau du CRH nous avons tenté de maintenir les liens avec les groupes, les jeunes, participé à la sauvegarde des archives (grâce au soutien des archives de l’Etat), à la sauvegarde du patrimoine de Nessonvaux (déblayage, déménagement, rangement, tris de ce qui pouvait être sauvé). Nous avons géré les dossiers de subvention afin de tenter de trouver des fonds pour la reprise. Nous sommes aussi aller animer chez nos partenaires quand l’occasion s’en présentait.

 

Quand vous pensez aux inondations que la région liégeoise a connues, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit ?

Ce furent 32 heures atroces, durant lesquelles nous avons senti que tout basculait sans trop savoir pourquoi. C’est aussi un apprentissage…l’homme est peu de chose face aux forces de la nature. C’est une prise de distance par rapport à ce que le foyer et les biens matériels représentent pour nous, c’est un recentrage sur les choses essentielles.

C’est un tsunami qui détruit des vies, des souvenirs, des maisons et qui demandent aux hommes et femmes de trouver des énergies enfuies au fond d’eux-mêmes pour surmonter.

C’est un un sentiment profond d’abandon, l’énergie qui tombe à zéro, des questions qui restent sans réponse.

C’est la violence de se faire piller alors que nous n’avons déjà plus rien.

C’est aussi la misère de certains qui est encore plus grande que la nôtre, alors que nous vivons au milieu de la boue et que nous avons tout perdu.

C’est ce sentiment d’être tout petit et de n’avoir plus le choix que de remettre sa vie à Dieu et de se dire qu’il faut faire confiance, rien de plus.

C’est se rendre compte que si l’on fait confiance vraiment avec humilité, cœur et espoir, Dieu est bon et nous donne ce dont on a besoin au quotidien.

C’est une multitude d’élans de générosité par-delà les frontières linguistiques.

C’est savourer plus que jamais la chance d’avoir ma famille auprès de moi le soir.

C’est enfin la chance d’avoir une famille, des amis, des collègues qui ont été nos petits moteurs tout au long du chemin, prêt à nous offrir leur maison, leurs aides, leur écoute quoi qu’il arrive.

Les personnes qui ont vécu cela dans leurs tripes et leurs maisons n’en sortiront jamais indemnes…c’est une tragédie qui a tout remis en question.

 

En quelques mois, l’aventure du Centre Protestant de Nessonvaux a pris un nouveau tournant, tout à fait inattendu. C’est un soulagement. Doit-on s’attendre à de nouvelles perspectives ?

Est-ce vraiment un nouveau tournant ? Je pense que la crise sanitaire avait déjà obligé l’équipe à se repositionner par rapport aux valeurs du décret Centres de jeunes (accueil, jeunes, CRACS[1] – …) et que les idées d’accueil inconditionnel des jeunes dans le respect de chacun, d’encrage dans une société en mutation, de travail au niveau du climat…étaient bien amorcées.

A la relecture du plan d’action des années 2021 à 2024, les objectifs liés aux enjeux sociétaux étaient déjà présents : comment fonctionner en tant que CRH tout en voulant s’adapter au monde de demain.

En 2021 nous devions fêter nos 40 ans de reconnaissance. 40 années pendant lesquelles nous avons acquis beaucoup de compétences et d’expertise dans notre secteur. Il ne reste plus qu’à les adapter à un nouveau lieu et surtout aux générations à venir ! Fameux challenge, mais qui en definitive arrive au bon moment. Nessonvaux était un magnifique endroit dans lequel nous nous sentions bien, mais qui avait aussi ses limites.

Les bâtiments ne répondaient plus tout à fait aux enjeux énergétiques, contrairement à Warfaaz.

Il faudra dont être cohérent et profiter de cette chance pour être des pionniers du monde de demain – avec toute l’humilité possible. La nature nous a montré qu’elle était plus forte que nous.

Nous quittons aussi Nessonvaux, où le Centre est présent depuis de nombreuses années… avec une pensée pour les habitants.

Cela ne veut pas dire que nous rompons avec les lieux, leur histoire, leur tissu social. Nous en faisons toujours partie.

Notre porte restera ouverte à nos anciens voisins…même s’ils devront faire un peu plus de trajet pour venir à nous.

Il ne faut pas oublier que le CPN n’était pas réservé aux seuls habitants de Nessonvaux ; nous accueillions des gens qui provenaient de partout en Belgique et Europe, et même du monde entier.

Le Centre Protestant de Warfaaz (CPW) restera accueillant pour tous avec le même objectif, être un lieu chaleureux. Chaque personne qui en passera la porte pourra y vivre une expérience qui fait grandir.

Nous espérons garder un lien privilégié avec la commune de Trooz ainsi qu’avec les gens de la Vallée. Nous avons vécu tout comme eux les 14 et 15 juillet et notre vie a basculé en même temps que la leur. Cette réalité, cette histoire ne peut pas s’effacer.

 

Peut-être que demain, les choses évolueront positivement dans la vallée, ce sera plus facile pour certains que pour d’autres…mais nous resterons marqués quoi qu’il arrive.

La vallée était belle et mérite de l’être encore plus demain. Cela dépend de nous, avons-nous compris ce que la terre avait à nous dire ? Sommes-nous prêt à changer pour mieux la respecter ? Sans quoi, des catastrophes reviendront…

Le Centre Protestant de Nessonvaux tourne une page … une nouvelle aventure va commencer sur les hauteurs du Lac de Warfaaz. Nous voulons rendre grâce d’avoir retrouvé l’envie et la motivation de poursuivre notre action de témoignage au service des jeunes.

 

Ferdinand et Sarah Dehousse

JGDM

 

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