Le Christ recrucifié

Ce titre ne m’appartient pas, mais est celui d’un roman de Nikos Kazantzákis, paru d’abord en traduction suédoise en 1950, puis en grec en 1954 seulement. Ce roman a été adapté au cinéma puis à l’opéra. Je vous engage à lire le roman d’une actualité étonnante. Il faut dire que l’histoire se répète sans cesse et on dirait que certains et certaines n’apprennent pas des horreurs du passé. Il vaut bien mieux vaquer à ses petites affaires, à ses petits et grands intérêts, sans regarder autour de soi. C’est vrai dans de nombreux domaines, qui vont de l’économie à la politique, en passant par l’écologie et autres domaines. Et la tentation est pareille pour nous tous, de nous replier sur nous-mêmes, de tirer la couette jusqu’au-dessus de nos têtes en attendant que l’hiver passe, que les rayons du soleil nous réchauffent, en espérant secrètement que d’autres fassent le boulot pour nous.

 

Je suis en train d’écrire, face à la nature qui s’éveille, au soleil a fait fondre le givre matinal et « bing », un mail arrive avec ce message d’Avaaz :

 

« Nous sommes tout aussi effrayés et bouleversés que vous, espérant que quelqu’un de puissant nous protègera du chemin du sang et des tranchées. Mais personne ne viendra. La démocratie ne se sauvera pas seule. C’est à nous d’agir.
Le pouvoir du peuple est indomptable, électrique, irrésistible. Il surgit dès que nous nous levons ensemble, et il ne dure pas longtemps. Mais parfois, il suffit d’une étincelle pour embraser le monde. Soyons cette étincelle. »

Avaaz demande qu’on aille manifester en soutien à l’Ukraine, aujourd’hui 5 mars, lors de la venue du Président Zelensky à Bruxelles.

 

Il y a des signes qui arrivent ainsi et qui nous bousculent, qui nous empêchent de nous endormir.

Je ne suis plus capable d’aller manifester, mais de toutes mes forces, de tous mes mots, je voudrais défendre les sans-voix, les humiliés, les écrasés, les oubliés, où qu’ils soient, tout en étant consciente des lacunes, des faiblesses, des oublis et même de l’égoïsme qui sont les miens, car, lorsqu’il faut « passer à la caisse », les hésitations, les peurs, les reculs pointent vite le nez.

 

On pourrait faire un tour du monde des souffrances humaines : Amérique latine, Europe, Asie, Afrique, partout des violations des droits humains, des violences, de la pauvreté, des atteintes à la liberté, partout de la guerre, des réfugiés, des blessés, des torturés, des morts.

Enfants enlevés, femmes violées, populations déplacées, peuples muselés, assassinés…

 

Chaque fois, c’est Christ qu’on flagelle, dont on se moque, à qui on fait un faux procès. C’est Christ qu’on recrucifie, c’est Christ qu’on abandonne au jardin des Oliviers et à Golgotha, c’est Christ qu’on trahit avec Pierre, c’est Christ qu’on met au tombeau.

Tous les jours, ces paroles du prophète Jérémie sont d’une actualité brûlante :

« Ils disent paix, paix, quand il n’y a pas de paix » (Jérémie 6/14).

 

Revenons un instant au roman de Kazantzákis, pour en citer ces quelques lignes :

« Le prêtre Fotis écouta la cloche sonner joyeusement, annonçant la venue du Christ sur la terre pour sauver le monde. Il secoua la tête et poussa un soupir : « En vain mon Christ, c’est vraiment en vain, murmura-t-il. Deux mille ans se sont écoulés et les hommes te crucifient encore. Quand vas-tu naître, mon Christ, pour ne plus être crucifié, mais vivant parmi nous pour l’éternité ? »

Quand  allons-nous laisser naître Christ en nous et dans le monde ? Quand allons-nous le laisser ressusciter dans nos vies et dans le monde ?

Car s’Il est ressuscité, vraiment ressuscité, qu’est-ce que cela change pour nous ?

 

Yvette Vanescotte

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