Tout le monde sait qu’au moyen âge, dans de nombreuses abbayes, si pas toutes, les moines ou moniales cultivaient un jardin des simples, où croissaient des herbes aromatiques, médicinales et condimentaires.
A cette époque, pas d’antibiotiques évidemment, mais une pharmacopée basée sur les plantes qu’on préparait de diverses façons : sous forme de poudres, d’extraits, de gouttes et autres élixirs.
La célèbre Hildegarde von Bingen a rédigé, au XIIème siècle, divers livres médicaux sur les causes des maladies et les remèdes pour les soigner. Cette personnalité attachante, mystique, philosophe, musicienne qui a fondé plusieurs monastères est, encore de nos jours, reconnue pour son souci de la santé de ses contemporains.
Tout près de chez nous, à Villers-la-Ville, les responsables des ruines ont remis en ordre un petit jardin des simples, mais celui qui m’a fascinée dernièrement c’est celui de l’Hôpital de Notre Dame à la Rose à Lessines. La visite des bâtiments conventuels et des salles, où on a soigné les malades jusqu’au XXème siècle, nous a passionnés avec ses instruments chirurgicaux, ses médicaments, ses manières de soigner les malades au cours des siècles.
L’expo « J’avais 20 ans en 1900 » venait compléter la visite et je me demandais si j’aurais encore le courage de faire un tour au jardin des simples dans son enclos si intime.
Mais oui. Je ne sais pas si c’est dû à l’influence des plantes médicinales ou un effet psychologique. Je dois avouer que les jardins, jardineries sont des lieux de « perdition » pour moi… ceci avec les librairies d’ailleurs. Nous avons donc parcouru les allées bordées de buis, admiré les rosiers odorants, les arbres fruitiers, la variété incroyable de simples en tous genres.
Je m’amusais à repérer les plantes que nous avons aussi dans notre jardin et là -surprise !- voilà que figuraient, parmi les plantes curatives, des espèces qu’en bon gendarme du jardin, je m’évertue à arracher consciencieusement, les considérant comme des « cruaux » comme on dit en wallon de Charleroi. Bon, cela ne m’a quand même pas convertie à plus de mansuétude à leur égard, mais je les arrache maintenant avec respect ! C’est au moins ça.
Je repense maintenant intensément à toutes ces paraboles de Jésus, tirées de comparaisons avec la nature et, hier, alors que j’essayais vainement d’extirper une plante qui ne me plaisait pas, mélangée à une campanule que j’aime, j’ai repensé à l’ivraie et au bon grain et j’ai bien dû me résoudre à laisser la racine coriace de l’intruse pour sauvegarder l’aimée !!!!
La variété de soins qu’on pouvait prodiguer avec ces plantes est incroyable, mais moi je ne me risquerais pas à soigner la famille avec certaines d’entre elles, d’autant que nous avons relevé que pas mal sont toxiques, comme la digitale et le muguet, et malgré leur toxicité, on pouvait les utiliser, je suppose, en infimes dosages.
Je vais me cantonner à la menthe, au tilleul, à la verveine citron, aux plantes condimentaires. Je pourrais essayer les feuilles de cassis, contre la toux, comme me le conseillait ma très chère amie Marie Leclercq, qui soignait ses deux vaches en leur faisant de la tisane de reine des prés (si je me souviens bien, mais je peux me tromper) et les veillait lorsqu’elles étaient malades.
On pourrait comparer l’humanité à un jardin des simples : il y a les valeurs sûres que tout le monde reconnaît, les espèces plus secrètes connues des seuls spécialistes qui peuvent « s’en servir », celles qu’on combat et qu’on arrache en voulant un jardin à la française tiré au cordeau et il y a les toxiques qu’on n’approche pas et qui pourtant pourraient à petites doses faire du bien…
Voilà, il faut laisser au grand Jardinier une chance de récupérer ceux que nous considérons comme irrécupérables. Quant à nous, essayons de jardiner parmi nos contemporains avec bienveillance, patience, courage.
Une luxuriante végétation sera notre récompense.
Yvette Vanescotte