L’avantage des vacances, c’est qu’elles me permettent d’assouvir mon appétit de lectures ! Je sors donc de la lecture d’un livre passionnant, minutieusement documenté, écrit par Philippe Sands : « La filière ». Je vous copie la quatrième de couverture, car je ne pourrais pas mieux vous résumer le sujet.
« Membre convaincu du parti nazi dès 1923, aveuglément soutenu par son épouse Charlotte, Otto von Wächter a rapidement intégré l’élite hitlérienne, devenant notamment, au début de la Seconde Guerre mondiale, gouverneur de Cracovie, en Pologne, puis gouverneur du district de Galice, dans l’Ouest de l’Ukraine actuelle -deux territoires qui furent le théâtre de l’extermination des Juifs. En 1945, après la défaite du Reich, il parvient à fuir, se cache dans les Alpes autrichiennes avant de rejoindre Rome et le Vatican, qui abrite l’une des principales filières d’exfiltration des nazis vers l’Amérique du Sud. C’est là, en Italie, qu’il trouve la mort en 1949, dans des circonstances suspectes. Comment a-t-il pu se soustraire à la justice, de quelles complicités a-t-il bénéficié ? A-t-il été réduit au silence ? »
L’auteur du livre, Philippe Sands, descendant d’une famille juive quasi complètement exterminée dans la région de la Galice, mène l’enquête. Il a travaillé pendant huit ans sur le sujet. Il a eu accès à de nombreuses archives, dont celles de la femme d’Otto, Charlotte, nazie convaincue elle-même et qui a gardé ses convictions jusqu’à sa mort en 1985. Et surtout, il a eu de nombreux contacts avec Horst, un de ses six enfants, qui a collaboré aux recherches de l’auteur.
Ce qui m’a frappée, c’est le déni dans lequel Horst –et Charlotte en son temps- ont vécu, en prétendant qu’Otto n’avait jamais vraiment participé à l’extermination des Juifs, arguant que son autorité de gouverneur relevait du civil seulement. Or Otto était SS et a vraiment organisé la construction et le « nettoyage » du ghetto de Cracovie, entre autres.
Philippe Sands a beau accumuler les résultats de ses enquêtes et les preuves de la culpabilité du père de Horst, celui-ci ne change jamais d’avis : son père a juste obéi aux ordres, n’a jamais fréquenté Hitler, etc., etc. Ce qui était faux.
Il était aveuglé par ses liens familiaux et surtout par son amour pour sa mère.
Etonnamment, le livre ne donne jamais l’impression d’une quelconque haine de l’auteur pour Horst. Il creuse, creuse les pistes n’en laissant aucune de côté.
Passionnant. Et instructif.
Tout autre chose. Quoique.
Nous avons eu l’occasion de voir, en septembre, « No Other Land » (Pas d’autre terre), film documentaire palestino-norvégien, réalisé en 2024, par un collectif israélo-palestinien de quatre militants composé de Basel Adra, Hamdan Ballal, Yuval Abraham et Rachel Szor.
Ce documentaire traite de l’occupation israélienne en Cisjordanie, territoire palestinien, des destructions de propriétés palestiniennes, des attaques de colons israéliens sous les yeux passifs de l’armée, ceci depuis des années, bien avant l’attaque barbare du Hamas du 7 octobre.
Vous assistez à la venue des bulldozers qui ravagent maisons, écoles, sous prétexte de confiscations de terres pour en faire des terrains militaires. Les habitants n’ont quasi pas le temps de sortir leurs pauvres affaires que les murs s’écroulent. Ils se retrouvent sans logis, se réfugient parfois dans des grottes pour survivre. C’est qu’il fait froid en hiver, même là-bas.
Nous sommes sortis de cette projection, totalement bouleversés, car ce n’est absolument pas de la fiction : Basel, le Palestinien et Yuval, l’Israélien, forment équipe et foncent filmer les destructions en direct, lorsque l’alerte est donnée.
Vision insoutenable.
Un article du Soir des 13 et 14 septembre 2025, nous informe sur les doutes de certains réservistes Israéliens quant à un refus éventuel d’un xième rappel de l’armée et les paroles de l’un deux m’ont touchée : s’il est mobilisé pour aller à Gaza, il ira, mais « en Cisjordanie, c’est très différent. On est au service des colons. On rend la vie impossible aux Palestiniens. On bloque des routes, certains soldats humilient, insultent… Ce qu’on leur fait, je ne supporterais pas qu’on me le fasse. »
Des yeux ouverts pour combien de fermés ?
Je pourrais multiplier les exemples, en Ukraine, en Russie, en Afrique, en Amérique latine, aux USA et même chez nous, d’yeux fermés, d’oreilles bouchées qui ne voient, ni n’entendent les cris des persécutés, le bruit infernal du rouleau compresseur qui écrase peu à peu toute humanité.
Que ces yeux et ces oreilles s’ouvrent, c’est un premier stade, avant celui de l’action solidaire, de la protestation, du refus de l’injustice !
Et que l’hiver des sens devienne le printemps du cœur.
Yvette Vanescotte
PS : je reçois à l’instant une action d’Amnesty en faveur d’objecteurs de conscience israéliens, de plus en plus nombreux. Il n’y a pas de hasard.
Image : pixabay