L’intériorité citoyenne : du Je au Nous, de Thomas d’Ansembourg

Vraiment difficile de résumer le livre de Thomas d’Ansembourg sur l’intériorité citoyenne, de rendre la richesse de son propos et d’exprimer la bouffée d’air que sa lecture m’apporte.

Pour l’auteur, l’intériorité transformante n’est pas une spécialité chrétienne, zen, new-age ou autre. Elle constitue le lieu-même de notre humanité et la base de tout engagement citoyen. Ce centrage s’opère en quittant notre enfermement pour entrer dans l’ouverture.

 

Coupés de notre intériorité

Pourquoi sommes-nous à ce point coupés de notre Intériorité? À cela deux causes principales: notre culture qui nous tire hors de nous et notre condition d’être incarné.

Plusieurs siècles de progrès scientifiques triomphants nous ont inculqué une vision de l’univers, comme une machine composée de pièces isolées sans connexions entre elles. Cette vision a induit une culture marquée par une impression d’isolement, de déconnexion, de non-appartenance à l’univers ou à la société. Il importe de changer cette culture commune mais beaucoup d’obstacles nous y maintiennent. Parmi ceux-ci : -le primat attribué à l’intelligence intellectuelle au détriment de l’intelligence émotionnelle et de l’intuition, -la culture du “tu dois” qui instaure des rapports de forces dès l’enfance, resservis bien sûr à l’âge adulte, favorisant croyances limitantes et tabous familiaux, encourageant la performance, -le piège du faire au détriment de l’être, – la dualité et la pensée binaire “ou bien ceci, ou bien cela” s’excluant mutuellement, qui est, pour l’auteur, le mécanisme le plus subtil de la violence ordinaire.

Ensuite, notre condition d’être incarné qui fait de nous des êtres infinis coincés dans un corps fini. Cette nostalgie de la plénitude de l’utérus ou d’avant ainsi que la difficulté d’accepter consciemment notre finitude développe un rapport au temps qui nous empêche de goûter et de vivre le moment présent. D’où une perpétuelle fuite en avant. D’où la fascination pour l’argent, qui n’est qu’une promesse d’un futur plus intéressant.

 

Nous avons appris plus à compenser qu’à vivre. Pour se désintoxiquer, il faut savoir comment nous compensons.  Il observe: la survalorisation du succès individuel; la fascination pour l’horreur et ce qui va mal; le prétendu droit à la sécurité sociale qui produit des individus dépendants et inquiets.

 

Les temps nouveaux de la conscience

Après ce survol des obstacles à une culture de l’intériorité, auxquels il apporte chaque fois une alternative positive, Thomas d’Asembourg nous présente, exemples à l’appui, les temps nouveaux et la conscience nouvelle vers laquelle nous nous dirigeons :

nous vivons une révolution comme l’humanité en a connu bien peu, un changement d’être dont nous prenons difficilement la mesure.

Dans le prolongement des découvertes de la physique quantique, la science commence à nous décrire l’univers comme un tout inspiré, intelligent; au lieu de tout disséquer en morceaux séparés et inertes, elle rassemble dans la vaste communauté cosmique. Elle rejoint là les intuitions des traditions spirituelles. Cette vision holistique, encore marginale,  fait de plus en plus d’adeptes et s’approche d’une masse critique où elle se généralisera.

 

L’auteur salue l’émergence de créateurs de culture qui hors de la polarité “modernistes / traditionalistes” optent pour une troisième voie qui répond aux vrais besoins humains; de plus en plus de gens se mettent à créer et à co-créer des modes de vie choisis en commençant à aligner, dans leur cadre de vie, leurs activités quotidiennes sur leur système de valeur.

Le Mouvement pour la simplicité volontaire qui prône “Moins de biens, plus de liens”, le développement de la psychologie positive, la multiplication des outils, groupes et ateliers au service d’un centrage sur l’être, ce sont autant d’annonces d’une remise en question de nos conditionnements et d’une prise de conscience pratique et joyeuse de notre place dans la société et dans l’univers.

 

Louis Stevens

In Courants, Novembre-Décembre , paroisse de Rixensart

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