Lorsque nous ouvrons notre Bible nous entrons sur une Terre sacrée. Le Seigneur nous invite à ôter nos chaussures, à faire silence, nous incliner et à ouvrir notre coeur et notre esprit.

Dans le regard que nous allons porter sur Marie au travers de la sensibilité d’autres croyants, nous sommes invités à marcher sur la même Terre afin de goûter à ce qu’ils ont pu découvrir dans cette Parole et nous l’offrir fraternellement en partage.

Merci à la paroisse de Seraing pour l’article.

 

Marie dans l’Islam

Marie est la seule femme dont le nom est cité dans le Coran. Maryam, puisque c’est comme cela que nos frères musulmans appellent Marie, n’est pas citée une fois dans le Livre de la Révélation mais bien trente-quatre fois !

 

La Sourate 19 porte même son nom. La figure de Marie est donc extrêmement importante dans l’Islam car elle représente un idéal pour le croyant.

 

Le verset 42 de la Sourate 3 qui porte le nom de « La Famille d’Imran » dit en effet : « Et les anges de dire : “Ô Marie ! Dieu, en vérité, t’a choisie, t’a préférée à toutes les femmes de l’Univers. Ô Marie ! Sois dévouée à ton Seigneur ! Prosterne-toi pour L’adorer et incline-toi avec ceux qui s’inclinent ! »

Le Coran présente donc Marie comme un modèle. Elle a été mise à part, choisie et préférée par Dieu à toutes les femmes de l’Univers. Rien que cela !

Au verset 45, les anges poursuivent et lui annoncent : « Ô Marie ! Dieu te fait l’heureuse annonce d’un Verbe émanant de Lui qui aura pour nom le Messie, Jésus, fils de Marie. Il sera illustre dans ce monde et dans l’autre et comptera parmi les élus de Dieu. »

Au verset 47, Marie s’étonne et interroge l’ange qui s’adresse à elle : « Seigneur demanda Marie, comment pourrais-je avoir un enfant alors que nul homme ne m’a jamais touchée ?»

– « Dieu crée ainsi ce qu’Il veut » lui fut-il répondu, « et lorsqu’Il décrète qu’une chose doit être, il Lui suffit de dire « Sois ! » et la chose est. »

Le Coran et les Évangiles proclament donc d’une même voix la virginité de Marie.

De son côté, le Coran ne connaît pas le concept de péché originel. Il existe cependant un hadith, une parole du Prophète qui dit « Aucun enfant n’est mis au monde sans être au moment de sa naissance, touché par le diable, (c’est pourquoi) il se met à crier. En cela, il n’y eut d’exception que pour Marie et son fils ».

Cette parole du Prophète éclaire le verset 36 de la Sourate 3 dans lequel Hannah, épouse d’Imran, avait demandé la protection du Créateur contre le Satan pour sa fille et sa descendance. On trouve donc ici une similitude entre le Coran et l’approche catholique de l’immaculée conception, dogme qui ne sera proclamé qu’en 1858.

Ce qui par contre est radicalement différent c’est que le fils de Marie, s’il est reconnu comme étant un grand prophète n’est jamais proclamé dans l’Islam comme fils de Dieu. On parle en effet de ‘Issâ Ibn Maryam (Jésus fils de Marie). Le verset 35 de la Sourate 19 précise en effet : « Il est inconcevable que Dieu Se donne un fils. Sa gloire ne saurait y consentir ».

La sourate 3 dénommée « La Famille d’Imran » parle de la naissance et de l’enfance de Maryam.

‘Imrân était marié à Hannah. Ils vivaient à Nazareth et n’avaient pas d’enfant. À l’âge de septante

ans, Hannah fit un voeu : si Dieu lui donnait un enfant, elle le vouerait à l’adoration de Dieu. Dieu exauça sa demande : Hannah mit au monde une fille qu’elle appela Maryam.

Hannah était déçue car elle ne pouvait pas réaliser son voeu car à cette époque, une femme ne pouvait se consacrer à l’adoration dans le temple et aucune femme avant Maryam n’y avait été admise. Dieu accepta cependant le voeu d’Hannah : c’est ainsi que Maryam vécut, dés son enfance, dans le temple, loin des préoccupations de la vie. Elle consacrait sa vie aux prières, au jeûne et à

l’entretien du temple. ‘Imrân mourut avant la naissance de Maryam et sa garde lorsqu’elle eut 3 ans, fut confiée à Zacharie, gardien du temple.

Toute la vie de Maryam est donc reliée au Divin. Elle fait partie d’une lignée élue. Le verset 33 de la même sourate 3 dit en effet « Dieu a élu Adam, Noé, la famille d’Abraham et la famille d’Imran et les a élevés au-dessus de tous les hommes, en faisant de ces familles une seule et même lignée, car Dieu entend tout et sait tout. »

Comme dans le monde chrétien, les fidèles musulmans ont une dévotion particulière pour Marie. En témoigne leur présence sur certains lieux de ferveur mariale tels que Lourdes (5% des pèlerins) ou au sanctuaire de Harissa consacré à Notre Dame du Liban et visité par une foule de chrétiens et de musulmans. Marie est donc comme un pont entre deux communautés de croyants, entre deux religions majeures de notre humanité.

Elle semble pouvoir tenir le rôle de médiatrice dans un dialogue interreligieux car sa figure rapproche les uns et les autres au-delà des particularités de chacun. Le mouvement international

« Ensemble avec Marie » a récemment été créé et a pour vocation de rassembler les deux communautés notamment autour de la fête de l’Annonciation célébrée le 25 mars.

 

Marie chez les orthodoxes

 

La présence de Marie est extrêmement forte dans le monde orthodoxe.

La mère du Christ est la figure modèle et devient mère de tous ceux qui suivent son fils. Pour les croyants orthodoxes, Marie est la nouvelle Ève, la Première dans la foi, celle qui nous ouvre le chemin vers Celui qui nous conduit au Père.

Marie est incontestablement une femme qui participe au destin de l’humanité. C’est par elle que l’incarnation du divin se fait. Elle est donc actrice du chemin de la lignée humaine. Elle symbolise la liberté de l’homme dans son rapport au Divin par le « Oui » qu’elle prononce devant l’ange du Seigneur.

Marie est donc cette part de l’humanité capable de Dieu, capable d’accueillir la Parole, le Verbe de Dieu. L’incarnation n’est donc plus seulement l’oeuvre divine mais devient oeuvre divino-humaine par la réponse de Marie.

En 431, lors du concile d’Ephèse, la jeune Église universelle proclame la double nature du Christ, vrai homme et vrai Dieu. Marie est y est reconnue comme la Theotokos c’est-à-dire la Mère de Dieu.

Cette reconnaissance de Marie est semble-t-il une réponse naturelle à l’élan des fidèles qui fort largement à l’époque accordaient déjà une place de choix à la mère du Sauveur. Des mouvements reconnus par ailleurs comme hérétiques tels les Nestoriens et les Monophystes, partageaient également une grande tendresse pour Marie.

 

Les orthodoxes proclament Marie vierge avant, pendant et après la conception de Jésus. C’est là un don divin qui plus que l’aspect simplement physique témoigne plus spécifiquement de la perfection de cette âme qui s’est attachée très jeune et durant toute une vie à son Seigneur et Dieu.

 

L’Eglise orthodoxe rejette par contre l’interprétation des catholiques à propos de l’Immaculée conception. Pour eux, c’est la conception du Christ en Marie par l’Esprit Saint qui est immaculée.

Extraire Marie du péché originel serait la priver de notre humanité la plus profonde et par conséquence rendre son modèle inaccessible.

C’est là un point essentiel car il signifie que chaque humain peut parcourir le même chemin et faire naître Dieu en lui.

L’Eglise orthodoxe invite ses fidèles à un chemin de déification, de verticalisation. Ce travail d’union au divin porte le nom de théosis et est véritablement au cœur de la foi orthodoxe. L’homme de la Genèse a été créé à l’image de Dieu et doit durant son existence vivre la ressemblance.

Marie accueille le Divin pas seulement par sa maternité mais bien par sa manière d’être ouverte au divin tout au long de sa vie. Elle devient donc modèle du disciple indéfectible et nous ouvre la voie de l’enfantement du Divin en nous. Elle anticipe donc l’humanité nouvelle invitée à mettre ses pas dans ceux du Christ, Nouvel Adam.

Une autre différence concerne le dogme de l’Assomption des catholiques proclamé en 1950. A nouveau, le caractère profondément humain de la mort de la Theotokos est central.

Marie meurt comme chacun d’entre nous avec qui elle partage la même humanité mais par contre ne connaît pas la corruption du tombeau. La fête de la Dormition célèbre la résurrection de Marie par son Fils.

Marie est véritablement omniprésente dans le monde orthodoxe. La divine liturgie la cite et la met en évidence régulièrement. Au cours de l’année, cinq des douze grandes fêtes liturgiques sont des fêtes mariales.

À côtés de ces grands moments festifs, il existe un nombre important de fêtes moins festives mais qui sont autant d’occasion d’invoquer la Theotokos.

Une importante hymnographie est consacrée à Marie. De nombreux chant la célèbrent en effet au cours des diverses célébrations du jour.

L’univers orthodoxe est également habité par la présence des icônes. Marie y est largement représentée. Le plus souvent, c’est pour y présenter son Fils aux fidèles.

Marie, Mère de Dieu, est tenue pour supérieure à toute créature terrestre ou céleste. Dans la prière du fidèle orthodoxe, Marie est donc la médiatrice de choix pour porter la voix de l’orant auprès du Divin.

 

Marie chez les protestants

La position des Églises protestantes dans la question de la place réservée à Marie ne peut se comprendre qu’en se référant aux « 5 Solas » mis en avant par les réformateurs il y juste un peu plus qu’un demi millénaire.

« Soli Deo Gloria » : Dieu est le seul qu’il faut adorer et prier.

« Sola Gratia » : Le salut n’est pas le résultat de nos efforts ou de nos mérites mais s’obtient par la grâce seule.

« Solus Christus » : Jésus-Christ est le seul médiateur entre Dieu et nous.

« Sola Fide » : Le salut n’est pas donné par les sacrements ou la religion mais par la foi seule.

« Sola Scriptura » : La Bible est l’autorité suprême en matière de doctrine.

Les Écritures étant la référence, les Protestants y cherchent donc la place réservée à Marie.

Luther qui avait été moine augustin, un ordre à la théologie mariale marquée, professe la virginité de Marie et reconnaît en elle la mère du Christ. Jean Calvin insiste quant à lui sur la grande réceptivité de Marie à l’action de l’Esprit et à sa fidélité. Marie est certainement le modèle de foi en la Parole de Dieu. Luther insiste sur deux points.

D’une part le contraste entre la petitesse de la Vierge et l’immense honneur qui lui est fait. Elle représente tous ces gens simples, pauvres et si souvent ignorés. Son élection par le Seigneur met donc parfaitement en évidence la grâce de Dieu dans sa gratuité totale.

D’autre part, Marie est celle qui accepte de se laisser entraîner par ce qui la dépasse infiniment.

Elle est ainsi au coeur du mystère de l’Incarnation. Elle devient mère de ce Dieu qui fait appel à une simple femme pour donner naissance au Verbe divin.

Marie est ainsi, pour chaque croyant, invitation à devenir nous aussi « mère de Dieu » c’est-à-dire à accepter de recevoir la Parole divine au plus profond de nous, à la laisser grandir en nous, à la faire nôtre.

Elle est invitation à faire grandir en nous le Germe divin.

Il n’est cependant pas question pour le croyant protestant d’adhérer aux dogmes de l’Immaculée Conception ou à celui de l’Assomption qui enlèvent à Marie, aussi bien au moment de sa naissance que de sa mort, le caractère pleinement humain que nous partageons tous.

Ces dogmes ne trouvent aucun fondement dans les Écritures.

Si Marie, par son exemple, peut inspirer le croyant, aucun culte ou prière ne lui sont réservés pas plus d’ailleurs qu’un rôle de médiatrice.

Aux yeux des Protestants, Jésus est le seul médiateur entre Dieu et les hommes comme le dit Paul dans sa première lettre à Timothée au chapitre 2 verset 5.

 

Marie chez les catholiques

Marie comme dans l’Orthodoxie est une figure importante à la fois dans la vie ecclésiale et dans le coeur de bien des croyants.

Nous l’avons déjà dit, c’est dès le Concile d’Ephèse en 431 que Marie est proclamée « Theotokos » c’est-à-dire « Mère de Dieu ».

Cette décision consacre déjà probablement une vénération toute particulière des premiers croyants de la jeune Église universelle.

D’autres dogmes ont été proclamés bien plus tard au sein de l’Église catholique. C’est le cas pour « L’immaculée conception » ainsi que pour « L’Assomption ».

L’Immaculée conception a été décidée en 1854 par le Pape Pie IX et correspond au privilège selon lequel, en vertu d’une grâce exceptionnelle, la Vierge Marie est née préservée du péché originel.

Par l’Assomption, l’Église catholique affirme que Marie n’a pas connu la c o r r u p t i o n d u t o m b e a u et que son corps et son âme ont été emportés par son Fils dans la Gloire. Ce dogme a été  promulgué le 01 novembre 1950.

Marie est priée, invoquée et célébrée au sein de l’Église et beaucoup de fidèles lui vouent un véritable culte.

Les versets 25 à 27 du chapitre 19 de l’Évangile selon Jean dans lesquels le Christ en croix dit au disciple qu’Il aimait « Voici ta mère » après avoir dit à sa mère « Femme, voici ton fils » sont très probablement à la base de cette relation très forte qu’entretiennent l’Église et les croyants vis-à-vis de Marie.

L’imagerie mariale est très développée dans le monde catholique aussi bien dans les lieux de culte que chez beaucoup de fidèles.

Le « Notre Père » avec à sa suite le « Je vous salue Marie » sont les deux prières de référence du catholique.

Plusieurs fêtes mariales ponctuent l’année liturgique catholique. L’Assomption, le 15 août (devenu jour férié), l’Annonciation célébrée le 25 mars, la Visitation de Marie à sa cousine Elisabeth, Marie, Mère de l’Église fêtée le lundi de Pentecôte, l’Immaculée conception le 08 décembre, la fête de la nativité de la Bienheureuse Vierge Marie le 08 septembre et enfin la présentation de Marie au temple.

Le mois de mai est également proclamé mois de Marie et est l’occasion pour certains catholiques de marquer leur attachement à la Mère du Christ en récitant quotidiennement le chapelet et en fleurissant les potales où l’on trouve une statue de Marie.

Les lieux de pèlerinage consacrés à Marie sont importants et souvent très fréquentés. Certains des plus fameux de ces lieux de pèlerinage sont directement liés à des apparitions mariales. Il y en a de très nombreuses dans des temps allant du moyen-âge à l’époque moderne et dans des pays de plusieurs continents. Rome reconnaît 17 apparitions dont deux en Belgique au cours du XX siècle.

L’Église catholique semble partagée entre d’une part l’envie de célébrer Marie qui symbolise l’exemple parfait de fidélité christique et d’autre part l’exubérance de certains fidèles qui pourraient oublier la place première du Christ.

Voilà pourquoi le Concile Vatican 2 (Lumen gentium 62) rappelle et affirme : « Aucune créature ne peut jamais être mise sur le même pied que le Verbe incarné et rédempteur.

Ce rôle subordonné de Marie, l’Église le professe sans hésitation. ».

D’autres passage de Lumen gentium (LG67) exhorte les théologiens et les prédicateurs à la prudence.

Depuis 1991 des théologiens catholiques et protestants se rencontrent au sein du groupe de Dombes afin de rechercher un accord commun sur la vraie place de Marie dans le plan de Dieu.

 

Synthèse des articles recueillis par Denis Myslinskin L’Echo, EPUB – Seraing

Image : pixabay

Références bibliographiques des articles sur Marie :

• Le Noble Coran, traduction Mohammed Chiadmi (Editions Tawhid. 2ème édition, 2009)
• La vierge Marie dans l’Islam, Islamweb.net.
• Marie dans l’Islam, La Croix
• La Vierge Marie dans le Coran, Ida Zilio-Grandi. Université de Venise.
• Le culte de la Mère de Dieu dans l’Eglise orthodoxe, Eglise Catholique Orthodoxe de France
• Marie chez les orthodoxes, La Croix
• La figure de la Vierge Marie chez les orthodoxes, Claude Tricroire. Overblog.com
• L’omniprésente Mère de Dieu, Sagesses Orthodoxes.
• Les protestants et Marie, La Croix
• Marie : points de vue catholiques et protestants, La Croix
• Les protestants et Marie, Solange Chavel.
• Regard protestant sur Marie. Conférence du pasteur Jérémy Duval.
• L’assomption de la vierge : qu’en disent les protestants ? Réforme.
• Quelle est la place de Marie dans l’Eglise ? Eglise catholique de France.
• Les catholiques adorent-ils Marie ? Aleteia