Parler de la vie missionnaire d’Edith brièvement est pratiquement impossible. C’est une vie de plénitude et complexe. Je vais tenter de vous en parler en deux étapes tout en m’excusant parce que je ne peux pas tout dire de la vie missionnaire si riche en enseignement et en interpellation sur notre vocation de femmes et d’hommes d’Eglise d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Edith au Rwanda, Edith en terre africaine.
Edith a consacré toute sa vie à l’enseignement au Rwanda depuis le poste de directrice d’une école qu’elle a occupé en 1949. Sa vocation est née suite au séjour au Rwanda de son oncle Martial Faidherbe qui venait d’effectuer le travail de relance des stations missionnaires (surtout dans le domaine scolaire) en ruine à cause de la deuxième guerre mondiale. Edith a formé intellectuellement et humainement des jeunes filles et des jeunes garçons rwandais. Elle est arrivée au Pays des mille collines au moment où les Eglises protestantes de toutes les dénominations (anglicanes, Baptistes, méthodistes et presbytériennes) avaient besoin de former leurs enfants avec une éducation intellectuelle et spirituelle solide dans un pays catholique qui faisait tout pour barrer la route aux protestants. Jusqu’à son arrivée, le niveau des missionnaires protestants belges était très bas, modeste et surtout orienté vers les métiers professionnels uniquement.
Les formateurs de son niveau, universitaire, n’existaient pas au Rwanda surtout chez les protestants, toutes dénominations confondues. Nous devons comprendre que nous sommes à une époque où le continent africain vit sous la colonisation et est vu comme le monde des ténèbres peuplé de gens considérés comme sauvages et qui devaient être, à tout prix, civilisés et christianisés par l’Occident. Certains n’hésitaient pas à parler de l’Afrique comme d’un monde de cannibales. Il faut oser et avoir une vocation pour accepter de quitter son pays avec un diplôme universitaire pour se rendre dans un pays pauvre, loin de tout confort matériel et appartenant à un continent qualifié de barbare. C’est un départ que nous pouvons comparer à celui d’Abraham à qui Dieu demandait de partir vers un pays inconnu. Les conditions matérielles du missionnaire protestant étaient très difficiles à cette période. La plupart des missionnaires belges subvenaient à leurs besoins matériels par les bénéfices de leur propre travail artisanal (mécanique, menuiserie, fabrications de tapis à vendre aux bazungu (Blancs) en plus de leur maigre salaire qui venait de l’Europ. Malgré cela, Edith est partie et a servi les Rwandais toute sa vie avec beaucoup d’amour et sans aucun regret pendant ou après son séjour.
Les intellectuels rwandais, ceux qui ont une formation moyenne, les Eglises protestantes du Rwanda, particulièrement l’Eglise presbytérienne au Rwanda, et la société rwandaise lui doivent beaucoup. Si les Eglises protestantes ont su affirmer leur existence et répondre aux exigences du gouvernement colonial belge dans un pays catholique agressif envers les protestants, c’est grâce à des protestants dévoués comme Edith.
Son héritage
Edith est l’une des personnes qui ont su tisser et consolider les relations entre le Nord et le Sud, entre l’Eglise protestante unie de Belgique et l’Eglise presbytérienne au Rwanda. Elle est le symbole de la dimension universelle de l’Eglise du Christ. Par l’enseignement solide qu’elle a initié et dispensé pendant quarante ans au milieu des Africains, elle a créé des ponts solides entre la région des grands lacs et la Belgique. Elle nous laisse un héritage à bien gérer et à transmettre en tant que protestants belges et africains. La question que nous pouvons nous poser est celle-ci : Comment perpétuer un tel leg dans un monde protestant qui oublie très vite?
Edith en Europe, le lieu de son rêve d’un monde multiculturel
Edith avait le coeur très humain. Elle ne parlait pas de l’Evangile du Christ mais vivait et mettait l’Evangile en pratique. Elle était fascinée par le visage africain. Tout africain qui tombait sur elle avait une chance extraordinaire (plus de crainte pour le matériel de cuisines, des vêtements chauds, des renseignements et les adresses à contacter pour l’administration, etc.). Elle a joué le rôle de ce qu’on appelle aujourd’hui dans notre EPUB : “intégration et insertion” avant que la question soit débattue à l’Assemblée synodale. Si nous (Africains au sein de l’EPUB aujourd’hui) avons quelques notions de la culture belge, c’est grâce à des personnes comme Edith. – Je parle de notions parce qu’il est quasi impossible de connaître et de maîtriser une autre culture que la sienne. On ne fait que tenter- L’Eglise doit se soucier de l’accueil des nouveaux en son sein et de tout étranger.
Rwandais, Africains en général, nous avons beaucoup appris de la vie missionnaire et humaine d’Edith. Permettez-moi de relever une dimension qui doit retenir notre attention dans notre monde actuel tenté par la haine, l’exclusion et les extrêmes s’opposant à vivre la différence : la vie d’Edith est la preuve que nous pouvons vivre dans un monde d’unité dans la diversité dans lequel le Noir, le Jaune, le Blanc pouvons vivre ensemble, cohabiter et vivre en harmonie sans que la couleur de la peau ni nos différentes origines ni la langue ni la religion soient un problème ou la raison d’une exclusion. N’est ce pas le rêve de Dieu et d’un monde meilleur que nous espérons par la prédication de l’Evangile?
Au revoir
Edith, notre maman nous quitte. L’Afrique, le Rwanda, l’EPR perdent une mère qui nous a été très précieuse. Edith, notre maman, au revoir. Que le Seigneur t’accueille à sa droite et console tous tes enfants de sang et d’adoption. Au revoir notre chère Edith, notre chère maman, notre bien-aimée.
Pasteur Léonard Rwanyindo