Valeurs fondantes

Le principe de la monnaie fondante est l’inverse du compte d’épargne. Sur un compte d’épargne, lorsque l’économie capitaliste se porte bien, votre argent s’accroit par un mécanisme d’intérêts ajoutés, sans que vous-mêmes n’ayez à trop vous en tracasser. En imaginant une monnaie fondante, l’économiste belgo-allemand Silvio Gesell (1862-1930) propose de frapper la monnaie d’une date de péremption. Dans son système, l’argent perd automatiquement de sa valeur, au fur et à mesure que le temps passe, sauf… sauf s’il est investi, s’il circule, s’il sert à l’achat de biens et de services. Bref, la monnaie fondante est un anti compte d’épargne. C’est comme si l’argent rouillait à rester inactif, subissant un intérêt négatif d’un millième par semaine, ce qui correspond à 5,2% l’an, selon les propositions de M.Gesell.

 

Je vous avoue qu’en entendant dernièrement l’économiste Bruno Colmant remettre l’idée au goût du jour, j’ai d’abord rejeté l’idée en bloc. « Comment ! Mes précieuses économies, le fruit de mon dur labeur (cfr culte du 1er mai !), tout cela fondrait comme un iceberg !!! Non, non, non… !!! ».

 

Dans ma tête cependant, j’aime bien malaxer les trucs qui me dérangent pour essayer d’en tirer tout de même quelque… profit ! La monnaie fondante m’a amené à réfléchir à la fonte des valeurs. Et tant qu’à faire, à la fonte des valeurs chrétiennes. Et je me suis dit : « Fichtre, ce M.Gesell a peut-être raison ! »
L’Église chrétienne en Occident, j’ose l’affirmer, se meurt de thésauriser ses sacro-saintes valeurs ecclésiales. Dogmes, sacrements, textes sacrés, ministères sacralisés, nous aimerions que cela circule, mais en fait nous cherchons surtout à protéger nos acquis, à les mettre en sécurité… même si cela ne nous rapporte plus beaucoup ces temps-ci. Et de plus, nous confondons souvent Église et Évangile. Cherchant à protéger la première, nous imposons des intérêts négatifs au second : nous nous évangélisons entre nous, nous osons peu sortir et témoigner sur les parvis, nous sommes timides à évoquer Dieu devant nos enfants, nos parents, nos amis, nos collègues, sur nos réseaux sociaux… Nous mettons prudemment notre foi sur un compte d’épargne. Et nous assistons impuissants à la fonte de l’Évangile.

 

M.Gesell rappelle une chose importante : les valeurs n’ont de valeur que si elles circulent !
C’est valable aussi pour l’Évangile.
C’est valable aussi pour les valeurs évangéliques de l’Église chrétienne dont celles de l’EPUB, celles de notre communauté, celles de notre foi.

Trouvons donc ces prochaines semaines 1001 manières de faire circuler les valeurs de l’Évangile : inviter un voisin à Profest le 26 mai ! Célébrer dans le jardin sous le soleil. Oser dire à nos ados « La foi, ça me fait du bien ! ». Prendre le temps d’écouter celui et celle qui ne croit pas, qui n’a plus la foi, non pas pour le/la re-convertir, mais simplement pour être à son écoute. Durant nos vacances, ici ou ailleurs, oser dire et vivre la foi… Oser faire circuler les valeurs de l’Évangile, afin de témoigner de l’amour de Dieu, et pour ne pas laisser fondre la fraternité et l’humanité que le Christ a déposées entre nos mains, comme une richesse.

 

Au plaisir de nous retrouver souvent et nombreux pour faire circuler l’Évangile de multiples manières.

 

Marie-Pierre Tonnon-Louant, pasteur Seraing-Centre

 

Image : pixabay

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