Il y a longtemps, la relation entre l’Église et l’État, bien que sensible, était claire. Cette époque est révolue. La relation entre les cultes reconnus et les différents gouvernements belges est non seulement devenue plus délicate, voir vulnérable, mais elle est aussi extrêmement complexe. Une raison facilement identifiable réside dans les récentes réformes de l’État. De nombreuses compétences liées aux cultes reconnus ont été transférées du niveau fédéral vers les régions, chacune ayant sa propre approche, sa propre législation et ses réformes constantes de cette législation.
Au niveau régional, le fonctionnement des cultes n’est pas aussi bien connu qu’il l’est au niveau fédéral. Par exemple, je suis parfois convoqué dans un cabinet ministériel, on me demande toujours de répondre à des questions épineuses immédiatement. Sans se rendre compte que je ne suis que le représentant d’une Église organisée démocratiquement, et non un chef autocrate, et que notre fonctionnement impose que la réponse soit réfléchie et concertée en église.
Il y a toujours eu de nombreuses consultations entre les représentants des cultes et les autorités civiles, mais le déclenchement de la pandémie en mars 2021 et la nécessité de se coordonner ont intensifié ces contacts. Les chefs des cultes reconnus sont allés de cabinet en cabinet pour rencontrer des virologues et des dignitaires, puis pour rédiger des protocoles adaptés à leur propre situation. Les deux coprésidents du CACPE ont ainsi travaillé ensemble et en bonne intelligence.
L’objectif du protocole, assurer le maintien des cultes de manière continue et sécurisée pour tous, est en effet gratifiant. Pourtant, la publication et le renouvellement de ces protocoles à un rythme effréné sont des tâches ingrates.
J’en suis venu à considérer qu’il est normal de recevoir des critiques de toutes parts après la publication d’un nouveau protocole. En réponse à l’une des toutes premières versions, un fidèle m’a envoyé une lettre de colère parce que les personnes de plus de 60 ans étaient reprises comme membres d’un groupe à risque. Je comprends cette douleur, même si j’espère moi-même rejoindre bientôt cette tranche d’âge. Je comprends également la nécessité de se défouler. Nous sommes tous des êtres humains, remplis de sentiments d’impuissance, de peur, de chagrin pour les solitaires, de deuil.
Et notre Église est également très diverse. Un pasteur ne comprenait pas que le CACPE (Conseil administratif du culte protestant et évangélique) n’ait pas fermé de manière unilatérale tous les bâtiments de l’église, un autre assimilait les restrictions du protocole à un manque de courage religieux. On oublie parfois que l’EPUB et le CACPE peuvent faire part de leurs expériences et de leurs besoins sur le terrain aux autorités, mais c’est le ministre qui décide, noir sur blanc, dans un décret ministériel.
Les cultes sont à nouveau largement consultés ces derniers temps ; il s’agit de savoir s’il existe ou non une résistance éthique ou religieuse à la politique de vaccination et comment les organes représentatifs des religions reconnues peuvent encourager les fidèles à se faire vacciner.
Dans un certain sens, le rôle sociétal des cultes est ainsi reconnu au niveau politique. Et c’est une nécessité. La vie ne se résume pas à l’économie, il y a un réel besoin de sens profond, d’accueil chaleureux, de sécurité, de guérison, et il y a tant de discriminations et d’injustices sociales, tant de pauvreté et de dénuement spirituel à combattre.
Comme l’ont démontré de manière exemplaire de nombreux membres de l’EPUB au cours des douze derniers mois, une communauté de croyants n’est pas à côté, au-dessus ou en dessous de la société. Nous en sommes une partie intégrante et constructrice. J’ai l’impression que la société dans son ensemble en est également consciente.
Il est toutefois regrettable que le monde politique ne semble s’en apercevoir qu’en cas de tragédie. Après les attaques terroristes de Charlie Hebdo en 2015, à Zaventem et à Maelbeek en 2016, les tapis rouges ont été déroulés, de jolies photos ont été prises et des déclarations communes ont été faites par le gouvernement et les cultes.
Pourtant, à plusieurs reprises l’année dernière, les synagogues, les mosquées et les églises n’ont reçu que peu ou pas d’attention lors des conférences de presse organisées par le Comité de concertation au sujet de l’adaptation des mesures du corona. Non seulement cela contraste fortement avec le respect mutuel entre l’Église et l’État, l’un des fondements de notre société. Mais il est aussi contre-productif d’oublier nos millions de compatriotes croyants.
Les chefs de culte ont eu l’occasion d’aborder cette question dans les milieux politiques ces derniers mois ainsi que le sentiment d’être instrumentalisés comme agents de liaison dans les moments de crise. Parce qu’il n’est pas bon que notre pays soit appauvri en termes de sens et de projet de société.
Pasteur Steven H. Fuite,
Président du Conseil synodal de l’Église protestante unie de Belgique
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