Willem Ceuleers est organiste professionnel et compositeur. Les membres de la paroisse d’Anvers-Nord le connaissent bien, car il joue pour le culte du dimanche toutes les semaines. Il a accepté de répondre à quelques questions pour Pro-News et de nous partager l’amour profond qui l’attache à la musique, le lien qu’elle lui permet de créer avec les autres et avec Dieu, de son impact sur les sens et sur les émotions, mais aussi le travail exigeant qu’elle requiert.
Vous êtes musicien, organiste à l’Olijfbergkerk à Anvers…
Oui, cet orgue avait attiré mon attention dans les années 1980, parce que c’est un instrument tout à fait unique, non seulement dans le contexte protestant, mais aussi dans tout le contexte flamand. L’Olijfberg n’avait pas le budget pour me nommer organiste permanent. De plus il y avait – et il y a toujours – quelques bons organistes amateurs attachés à la paroisse. J’ai donc longtemps joué pour les églises catholiques romaines (qui avaient, au contraire, un budget). En raison d’une réorganisation de mon église catholique romaine actuelle – tous les services sont maintenant organisés le samedi – je me suis soudain trouvé libre le dimanche et l’Olijfberg s’est empressé de m’accueillir. Avec Dick Wursten, je suis responsable de l’organisation d’un service mensuel de cantates, que nous avons commencé récemment. Nous avons réuni une soixantaine de musiciens prêts à participer régulièrement. J’aide aussi De Wijngaard, la paroisse Christus et Saint-Boniface quand c’est possible pour moi.
Qu’est-ce qui vous a amené à la musique religieuse ?
L’éducation que j’ai reçue n’incluait pas la foi, mais mes parents ont été assez tolérants pour me laisser apprendre à jouer de l’orgue. Très vite, en tant que non-croyant, j’ai été confronté au dilemme suivant : pourquoi des compositeurs, apparemment intelligents au point de composer de la musique d’exception, pouvaient-ils imiter quelque chose d’aussi irrationnel que la foi ? Petit à petit, j’ai découvert ce qui se cache derrière tout cela. Je ne suis pas devenu un grand croyant, mais je comprends parfaitement la valeur de la foi.
Avez-vous un ou plusieurs compositeurs préférés ?
C’est une question difficile. Je n’en ai pas et j’en ai beaucoup. Il y en a tellement d’excellents. Outre les “usual suspects”, je citerai quelques génies : Nicolas Gombert, Jean-Philippe Rameau, Felix Mendelssohn-Bartholdy, Hugo Distler, Maurice Duruflé et peut-être (?): Stromae.
Qu’est-ce qui vous pousse à composer ? Où puisez-vous votre inspiration ?
Je pense être un compositeur-architecte, un artisan plutôt qu’un romantique qui attend l’inspiration au clair de lune. Une grande partie de ma musique est fonctionnelle, écrite pour des occasions précises, comme des services religieux ou des concerts. Je reçois également des commandes. Je ne déteste d’ailleurs pas les missions un peu délicates ;-).
Quel est le pouvoir de la musique ?
La musique est abstraite et donc intangible. En soi, c’est fascinant. Elle agit sur l’esprit et les émotions d’une manière unique. La musique est avant tout un acte posé ensemble ; la dimension du lien a toujours revêtu une grande valeur pour moi : il s’agit d’une construction sociale et communautaire. Je suis un liturgiste de bout en bout.
Quel est le lien entre la musique et la foi ?
La musique ne peut résonner que par la grâce des personnes qui la font. Il s’agit d’une forme abstraite de prière, par laquelle on peut exprimer une foi qui ne peut être définie par les seuls mots.
La musique peut-elle remplacer les mots dans une prière ?
Si Luther cite un Père de l’Eglise qui dit que chanter c’est prier deux fois, qui suis-je pour le contredire ?
Lorsque vous jouez, vous sentez-vous connecté au public et à la communauté ?
Oui, c’est clair (voir ce que ce que j’ai écrit ci-dessus).
Quel serait votre plus beau souvenir en rapport avec la musique ?
Quand la musique dit l’indicible et fait pleinement appel à notre intelligence émotionnelle. Cela ne m’est arrivé que très rarement, je dois l’avouer, mais lorsque cela se produit, c’est immédiatement très intense.
Enfin, pourriez-vous donner un conseil à quelqu’un qui souhaite prier en musique ?
Pour moi, faire de la musique, c’est comme prier, non seulement à l’église, mais aussi à la maison ou ailleurs. Avant tout, l’exécution musicale (et aussi la composition en elle-même) doit être de grande qualité, car Dieu ne mérite que le meilleur de nous. Quelqu’un qui a beaucoup de talent a donc aussi une plus grande responsabilité pour faire de la musique à un niveau relativement élevé que quelqu’un qui a eu la chance d’avoir moins de talent, mais qui, à effort égal, peut atteindre un niveau un peu plus bas. Cependant, les deux niveaux ont la même valeur à dévouement égal. Je veux dire par là toute la qualité du travail de nombreux amateurs qui réalisent encore beaucoup de choses après leur journée professionnelle.
Photo : Willem Ceuleers ©Willem Ceuleers>