Intelligence artificielle et foi

Des androïdes-pasteurs

Et si, un jour, pour pallier le manque de pasteurs, on faisait appel à des robots ?

Après tout, ceux-ci sont déjà à l’oeuvre dans des crèches ou dans des maisons de retraite pour aider le personnel soignant et les résidents, en faisant faire de l ‘exercice physique à ces derniers pour leur permettre de garder le moral, notamment pendant le confinement.

 

Plus fort encore, au Japon, vous pourrez même rencontrer une version du robot Pepper spécialisée dans les rites funéraires bouddhistes. Et chez nos voisins allemands, l’église protestante a créé un robot appelé BlessU-2 lors du 500ème anniversaire de la réforme.

On peut lui demander une bénédiction, traditionnelle, amicale, d’encouragements ou de renouveau, dans l’une des 7 langues qu’il maîtrise.

 

La création de ces robots et leur utilisation interpellent notre conception du ministère pastoral: en effet, qu’attendons-nous réellement du pasteur?

Qu’il soit à notre service pour nous dispenser ce dont nous avons besoin, au moment où nous le voulons, ou qu’il nous accompagne dans notre cheminement de foi en nous donnant des balises, et en évaluant avec nous nos besoins spirituels?

 

On peut aussi se demander si nos communautés accepteraient que l’intelligence artificielle puisse devenir une autorité religieuse, spécialiste du rituel !

Ce geste provocateur, destiné à faire réfléchir, questionne également notre conception de Dieu : serait-il un simple distributeur de bénédictions, à notre convenance? Cela nous amène à nous demander comment vivre sa foi devant les défis que nous posent les avancées scientifiques.

 

Des défis essentiels

Je noterai quelques défis, mais la liste n’est pas close…

Tout d’abord, il est nécessaire de s’interroger sur les développeurs de l’intelligence artificielle, sur leurs convictions et leurs valeurs.

Ne vont-ils pas les induire dans les programmes des machines et ainsi les propager auprès de leurs utilisateurs qu’ils pourront convaincre d’ acheter tel ou tel produit ou d’ adhérer à telle ou telle idéologie?

Et leur motivation profonde ne serait-elle pas la quête du profit, au détriment du bien commun?

 

C’est pourquoi, la manière dont on répartira les richesses générées par les nouvelles technologies doit être également l’objet de réflexion et de débat aux plus hauts niveaux de la société, mais aussi au sein des organisations syndicales et au niveau de tout un chacun. Une autre préoccupation de taille concerne la protection de nos données personnelles.

 

Nous voudrions bien être certains qu’elles ne soient pas vendues au plus offrant, dans un but purement commercial ou politique. Nous pouvons aussi nous interroger sur le bien-fondé de l’introduction de technologies dans le corps humain pour accroître les capacités intellectuelles de la personne.

Quelles sont les limites de ce transhumanisme? Et que devient alors la définition de l’Homme dans ce cadre? Dans le fond on peut se demander quelle est la valeur accordée à l’être humain dans les projets des concepteurs des logiciels et dans leurs utilisations.

Tout au long de l’histoire de l’humanité, on a pu assister à l’émergence de personnes qui voulaient créer un humain toujours plus parfait, dans une volonté de toute puissance, à l’instar d’un Dieu Créateur.

C’est une tentation à laquelle il faut résister, tant ses conséquences peuvent être dramatiques pour celles et ceux qui n’entreraient pas dans le cadre “parfait” .

 

IA et recherche biblique

Ces problèmes éthiques nous amènent à faire preuve d’esprit critique et de capacité d’analyse, pour éviter de succomber aux pièges des théories complotistes ou de céder aux peurs collectives.

Il est donc essentiel de se livrer à une réflexion personnelle sur ce que nous espérons pour nous-mêmes, pour les autres et pour la société et ce que nous voulons faire pour vivre ensemble, dans une société plus juste et basée sur le respect des droits humains.

 

L’un des outils phares de notre analyse et de notre raisonnement se trouve dans la confrontation avec le texte biblique et les résultats de nouvelles recherches dans l’approche des textes bibliques…et là aussi, l’IA peut nous être d’une aide précieuse.

 

Actuellement, des études exégétiques en ligne permettent à des chercheurs du monde entier de procéder à des échanges sur des traductions des textes bibliques et leurs compréhensions.

Le partage de ces recherches n’est pas réservé aux spécialistes, mais est accessible à toute personne qui souhaite nourrir sa réflexion et qui a accès aux outils informatiques.

 

Dans cette optique, les pasteurs et catéchètes peuvent utiliser ces outils pour développer la capacité d’échange des membres de leurs communautés, en employant notamment l’apport de la culture visuelle omniprésente dans les réseaux sociaux et en amenant les paroissiens à rester vigilants au risque bien présent de se focaliser sur le virtuel et de négliger le réel.

 

Michèle Duquène

Image : pixabay

 

 

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