Semer l’espérance

Semer trop tôt dans le jardin, voici l’erreur commise par beaucoup de jardiniers néophytes et impatients. Mon parrain qui était horticulteur et… philosophe disait qu’il faut attendre que la terre soit amoureuse pour semer. Semer sur sol glacé ou seulement froid ne mène pas à grand-chose ou même à rien et il faudra recommencer plus tard, dans de meilleures conditions.

Les pressés sèmeront sous couche ou dans la maison, parfois dans des endroits improbables.

Heureux seront ceux qui possèdent de grandes serres, la récolte précoce sera pour eux ! Néanmoins, ces chançards ne sont pas si nombreux et il faut composer avec les saisons et la météo telles qu’elles sont chez nous.

 

Enfin ! Vous voilà sortis, pleins de courage et d’enthousiasme au début de la saison, avec vos binette, râteau, sachets de semences, arrosoir et tutti quanti.

Sachez que vous n’êtes pas seuls : les saintes nitouches de tourterelles, les ramiers dodus, les pies tracassières et autres copains plus discrets, mais tout aussi efficaces, vous observent…

Quand ce n’est pas le chat qui adore jouer au hockey avec les échalotes.

Vous semez, j’en suis fort aise ! Surveillez maintenant ! Jean de La Fontaine, appelé au secours, n’y pourra rien : les oiseaux se lèvent TOUJOURS plus tôt que vous et se plaisent à déguster les semences. Et, si d’aventure vous grignotez des graines de chia dans un régime amaigrissant, les oiseaux, eux, n’ont pas besoin de diététicienne ni d’internet pour se goinfrer de tout ce qui leur tombe sous la patte. Avec l’effet contraire, évidemment.

Si le semis échappe à la gent ailée, d’autres sont aussi furieusement intéressés : limaces et escargots qui se planquent en journée et vous rasent une jeune salade ou une ligne de haricots en une nuit. Dans le registre des traîtres, je classe aussi les mulots qui vous bouffent, non pas les pissenlits par la racine (s’ils pouvaient seulement !), mais les bettes, les poireaux, les salades et Cie.

Vous l’avez deviné, toute ressemblance avec des situations et des personnages est totalement fortuite et indépendante de la volonté de l’auteur.

 

Et vous continuez de cultiver le jardin, vous ?

Evidemment.

Il arrive toujours un moment de revanche où les légumes et les fleurs ont le dessus et où le jardinier jubile !

 

Semer, semer, en toute espérance. N’est-ce pas aussi le travail de tout éducateur.trice, de tout parent, de tout.e pasteur.e, de tout.e catéchète, de tout le monde pour finir ? Encore faut-il que le terreau soit fertile et pas vidé de toute substance.

Je parie que vous pensez tous à la parabole du Semeur. Il a ceci d’extraordinaire, qu’Il ne semble plus s’occuper de ses semis, une fois les semailles terminées. Et quelles semailles ! Il sème partout, sans regarder au terrain : cailloux, bonne terre. Ah là, les oiseaux peuvent s’en donner à cœur joie et picorer à leur aise !

Au prix où sont les semences !

Il donne leur chance à tous les genres de terrains. Malheureusement… tous n’en profitent pas.

Il faut quand même une bonne terre pour que cela pousse et qu’on mange du bon pain au bout du compte.

 

Semer en toute espérance, c’est une chose. Semer l’espérance en est une autre. On parle des semences là.

On peut semer des orties, des chardons, des plantes vénéneuses ou amères : des mots durs, des critiques, des moqueries, des propos blessants, écrasants.

On peut semer des rayons de soleil et des étoiles dans les yeux et faire pousser des fleurs d’espérance, par l’encouragement, l’écoute sans jugement, la compréhension, la main tendue, les bras ouverts.

 

De semeurs sortirent pour semer et semèrent l’espérance…

 

Yvette Vanescotte

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