Article paru en mars 2010 republié dans le Mosaïque de décembre 2016
Arrêtons-nous, un instant, sur l’ordre de mission que Jérémie reçoit de l’Éternel (1/17) : Et toi, ceins tes reins, lève-toi, et disleur tout ce que je t’ordonnerai. Au moment où le jeune prophète reçoit cet appel, Israël était tombé bien bas et vivait dans l’idolâtrie généralisée. Toutes les divinités de l’Orient (Baal, Astarté, Molok, Tammouz, …) semblaient s’être donnés rendez-vous à Jérusalem. Et comme l’abandon du Seigneur va de pair avec l’oubli de l’Alliance et de la Loi, on assistait à un grand désordre du droit et de la morale. Voilà le cadre dans lequel le prophète entend retentir sa mission : et toi, ceins tes reins, lève-toi, et dis-leur tout ce que je t’ordonnerai. À y regarder de plus près, dans ce verset, l’Éternel invite à un mouvement en trois temps, qui résument bien ce qu’est notre mission, aujourd’hui.
Premier temps : ceins tes reins…
À l’époque les vêtements étaient amples et risquaient de gêner la marche ; la ceinture retenait la robe au bon niveau et empê- chait que l’on tombe. Même si cette problématique nous est devenue étrangère, le message de l’Éternel reste d’actualité. Si nous ne pouvons plus nous prendre les pieds dans notre vêtement, nous avons bien d’autres pans de robe, dans notre vie, qui peuvent ralentir notre marche, voire nous faire trébucher. Osons regarder, humblement et lucidement, en nous, pour déceler quels sont ces entraves à notre marche.
Deuxième temps : lève-toi…
Remarquons que ce n’est qu’après nous être préparés à ce mouvement, en nous ceignant les reins, que Dieu nous appelle à nous lever. Ce travail préparatoire nous conduit de l’introspection à la joie du pardon reçu. Une fois ce chemin parcouru, nous pouvons nous lever. Qu’est-ce à dire ? Il s’agit d’abord d’une décision : accepter d’entrer dans le plan de Dieu, accepter de nous lever pour remplir la vocation qu’il nous adresse. Et cette vocation est résumée à Jérémie en trois images fortes et éloquentes (/18) : moi, aujourd’hui, je fais de toi une ville forte, une colonne, un rempart de bronze. · Une ville forte, imprenable, qui résiste aux agressions exté- rieures ; · Une colonne, un pilier de fer dont le rôle est d’être un stable étançon, de soutenir ; · Un rempart de bronze. Cet alliage de cuivre et d’étain était réputé être plus dur que la pierre et ne s’érode pas. Face à un appel d’une telle ampleur, nous nous serions sentis comme Jérémie : petits, faibles, limités pour accomplir une tâche pareille. Et le contraste est impressionnant : d’un côté, le jeune Jérémie, incertain, non affermi, peu mûr et de l’autre, la mission aux contours précis, l’appel à la stabilité et à une vie debout. Entrer dans le plan de Dieu, accepter cette mission qu’il nous confi e, même si nous avons l’impression de ne pas être à la hauteur, implique de se lancer dans une marche à contre-courant, une marche face aux vents qui soufflent en tout sens, à l’air du temps qui est si souvent courant d’air. Oui, la mission que Dieu confie à Jérémie est exigeante, et Jérémie recule, effrayé (/6) : Ah ! Seigneur Éternel ! Voici, je ne sais point parler, car je suis un enfant. Nous ne sommes pas différents de Jérémie. En tant que disciples de Jésus-Christ, nous avons reçu de lui cette mission : Allez, faites de toutes les nations mes disciples… Et nos excuses aussi sont innombrables : je manque d’éloquence, je n’ai pas de diplôme, je n’ai pas assez d’arguments convaincants, ce n’est pas à moi à leur dire ce qu’ils doivent faire, … Pour Dieu, l’objection de Jérémie n’est pas valable : Ne dis pas : je suis un jeune garçon car tu iras… Je suis avec toi… Je mets mes paroles dans ta bouche. Si Jérémie était seul, la mission serait désespérée, mais avec Dieu, tout est possible. Il en est de même pour nous, aujourd’hui ! Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fi n du monde, nous dit Jésus. Rejetons nos excuses, osons entrer dans le plan de Dieu et accomplir la mission qu’il nous adresse… nous ne sommes pas seuls, Il est avec nous.
Troisième temps du mouvement : dis-leur tout ce que je t’ordonnerai.
Qu’avons-nous à dire ? Non pas ce que nous estimons être juste et bon, mais ce que Dieu veut, même si ça ne nous fait pas toujours plaisir. Au /10, ce que Jérémie doit dire de la part de Dieu n’est pas très agréable. L’Éternel lui résume son message en 6 verbes, 4 négatifs et 2 positifs : arracher, abattre, ruiner et démolir, pour bâtir et planter. Cette double image, qui relève du domaine de l’agriculteur et du bâtisseur, nous montre qu’il faut bêcher, sarcler, arroser, suer avant de semer et de récolter. Pour être concrets, que devons-nous arracher, abattre, dé- truire ? Tout ce qui, en nous, s’oppose à Dieu et déforme son visage. Ayons la simplicité, l’audace et la fi dé- lité de Jérémie pour oser relever les défi s de notre mission.
Pasteur Bernard-Zoltán Schümmer