HORS CADRE

Un homme est venu. Un homme simple, direct, mais bienveillant. Il a parcouru des chemins arides, caillouteux, reçu parfois, rejeté souvent, incompris même par ses amis.

Fallait-il qu’il ait conscience de sa mission pour avoir le courage de persévérer dans un environnement parfois hostile et riche en contradicteurs.

Ces derniers n’avaient aucun intérêt à ce que cet homme vienne bouleverser leurs habitudes religieuses séculaires. Et d’ailleurs, de quelle autorité ? Est-il un prêtre ? Ou un rabbin ? Un chef de synagogue ? Un ponte, quoi, en bref !

De quoi se mêle ce gars qui se dit mandaté par Dieu pour une mission très spéciale ? De quel droit guérit-il les malades –et pire : ose-t-il remettre les péchés de ceux qui l’approchent ?

Il n’observe pas la Loi, avec un grand L dans tous ses détails, permet à ses disciples de ne pas se laver les mains. Ce n’est qu’un petit exemple. Du grand n’importe quoi.

Un homme est passé au travers des critiques, de la haine, des embûches, des traquenards. Non parce qu’il était Superman ou Zorro, mais parce qu’il voyait ce que d’autres ne voient pas : l’être humain souffrant, derrière le handicapé, le malade, la femme méprisée. Il voyait aussi l’hypocrisie de certains religieux, plus préoccupés du qu’en dira-t-on, du paraître et du pouvoir à exercer sur les fidèles que l’exercice d’une foi épurée, d’une pratique mettant en avant l’amour du prochain plutôt que l’élaboration de règlements de plus en plus pointus pour mieux enchaîner leurs contemporains.

Un homme marchait, non comme un empereur triomphant, mais comme un humble libérateur de prisonniers habillés de carcans par des choix de vie erronés, carcans subis à cause des circonstances de la vie ou imposés par d’autres, parents, patrons, religieux…

Il brisait les chaînes, ouvrait portes et fenêtres dans un joyeux courant d’air vivifiant.

Un homme est allé au bout du chemin, courageusement, persuadé du bien-fondé de son ministère, victime désignée pour avoir osé recentrer la foi et les pratiques sur l’amour rendu à Dieu et à son prochain, quel qu’il soit : homme/femme, riche ou pauvre, bien portant ou malade, adulte ou enfant…

Cet homme, avec son message dérangeant d’ouverture, de remise en question des habitudes et des règlements s’ils priment sur l’être humain, cet homme venu pour libérer et non pour asservir, c’est le Maître que tous les réformateurs au fil des siècles ont voulu remettre en avant, à la place d’honneur. Ils l’ont parfois ainsi payé de leur vie, de leur sécurité, de leur confort. Il aurait été si facile de se taire et de laisser faire les voleurs de religion, les avides de pouvoir, les pondeurs de lois et de décrets sans humanité.

J’aime cheminer avec cet  homme-là, même si j’en suis indigne. Un frère qui porte un regard bienveillant sur l’être que je suis, sans procès d’intention d’aucune sorte.

Un Maître toujours ouvert lorsque nous revenons vers lui, après toutes sortes de chemins de traverse que nous prenons.

Et, en compagnie de cet homme, je rêve d’une Eglise où on respire au lieu d’étouffer, où on accueille au lieu de rejeter, où on libère au lieu d’asservir, où on exerce la bienveillance au lieu de la suspicion…

S’il se présentait à la porte de l’Eglise, le reconnaîtrions-nous ou bien le repousserions-nous ?

Hors cadre.

Texte: Yvette Vanescote
Crédit photo: Arcabas

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