Ils nous cherchent mais sommes-nous trouvables ? (Entretien avec le président)

Les réfugiés qui cherchent asile dans notre pays ne sont pas tous musulmans. En effet, des chrétiens qui ne bénéficient presque pas de protection dans leur propre pays – comme en Égypte, Syrie et Iran – affluent chez nous. Ce sont des proies faciles pour les intimidateurs et les persécuteurs. Ils cohabitent avec des demandeurs d’asile musulmans dans les centres qui les accueillent et y sont parfois en proie aux intimidations et aux menaces. De plus, ils arrivent dans une société où les églises traditionnelles enracinées dans la Réforme du XVIe siècle font face à une désertification et où les dirigeants religieux entament un dialogue interreligieux avec notamment une religion (en l’occurrence l’islam) qui les a justement obligés à prendre la fuite.

La recherche de ce qui lie les différentes religions n’occulte-t-elle pas le fait que les chrétiens sont persécutés et menacés dans de nombreux pays musulmans ?

Pasteur Fuite : « Les musulmans avec qui je discute dans le cadre du dialogue interreligieux sont très ouverts aux autres religions. Ils se rendent bien compte qu’ils n’ont pas le dernier mot et sont prêts à ne pas laisser leur bagage religieux faire barrage au dialogue. Les gens se méprennent souvent mais il existe aussi une énorme diversité dans le monde musulman. »

Je comprends mais, en relativisant de la sorte, n’abandonnons-nous pas nos coreligionnaires à leur triste sort ? Ils fuient car le fait d’être chrétiens les met en danger.

« Je dois avouer que je ne me suis jamais directement posé la question sous cet angle. Dans notre société, on a de moins en moins besoin de l’Église en tant qu’institution. De nombreux chrétiens sont plus ou moins enclins à se rassurer en pensant que l’on peut être croyant sans église et en n’assistant pas au culte. Mais si l’on se met à la place d’un(e) chrétien(ne) qui a fui à cause de sa foi, qui arrive dans une société inconnue et qui cherche un lieu sûr auprès d’une communauté de chrétiens libres de pratiquer leur foi, cette désertification est navrante. Où va-t-il/elle trouver des personnes qui voudront non seulement l’écouter mais aussi prier avec lui/elle ? »

Juste après l’attentat de Manchester, j’ai assisté à un culte où nous avons prié pour les victimes de cet attentat mais pas pour le groupe de chrétiens coptes qui ont été assaillis peu de temps après en Égypte par des combattants de l’État islamique à cause de leurs convictions religieuses. Ça en dit long sur notre conscience du sort des chrétiens persécutés.

« C’est énorme ce que tu dis là ! Nous sentons-nous avant tout européens et seulement ensuite unis avec la chrétienté du reste du monde ? De toute façon, je pense que trop peu de personnes, y compris parmi nous, ne se rendent compte qu’une distinction fondamentale doit être faite entre un attentat contre des victimes choisies au hasard – aussi affreux soit-il – et le massacre ciblé de personnes en raison de leurs convictions religieuses. Ce manque de compréhension… peut être considéré comme une forme d’atténuation de l’identité, si je ne m’abuse. D’ailleurs, je réalise qu’il y a peut-être peu d’attention et de reconnaissance pour ce type de questions à l’EPUB. En tout cas, cet entretien est une révélation pour moi. »

 

Interview : Annet Sinnema

 

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