STOP AUX HOTSPOTS

COMMENÇONS PAR LES COULOIRS SÉCURISÉS ET LA RÉINSTALLATION

Conférence européenne sur l’asile en Grèce

« Consternation face à la situation dans les camps de réfugiés »

2018/10/19. Chios / Athènes. Les 150 participants à la 15e conférence européenne sur l’asile – organisée par la Commission des Églises auprès des Migrants en Europe (CEME) et la Diaconie en Allemagne – ont été horrifiés par la situation dans les « hotspots » comme Chios, ces centres d’enregistrement des migrants sur les îles grecques le long de la côte turque.

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Les gardiens à l’entrée avaient raison. « Regardez de l’autre côté, s’il vous plaît. Vous ne pouvez pas regarder ni être ici. » Ce que nous voyons tout de même de l’extérieur à Chios et les quelques conversations à travers la clôture à l’arrière du camp Vial montrent clairement la manière dont l’Europe effectue la surveillance des frontières dans la pratique. L’intention est claire : intimider les réfugiés, ne pas leur expliquer clairement la procédure et faire tout ce qui est possible pour les renvoyer, quelle que soit la raison de leur fuite. Être dans ce camp depuis deux mois et ne toujours pas savoir ce qui se passe, à quelle procédure ils ont affaire, rend les migrants malades, s’ils ne le sont pas déjà de leur voyage.

Ils tombent aussi malades à cause des mauvaises conditions de vie, de la surpopulation (ce camp ne pouvait accueillir que la moitié du nombre de personnes qu’il abritait réellement), de la sous-alimentation et du manque d’accès aux soins médicaux. Des hommes en provenance du Cameroun et du Congo de l’autre côté de la clôture nous demandent si nous avons la moindre idée de ce qu’est leur destin. Pendant ce temps, une femme yéménite lave des vêtements d’enfants dans une petite bassine et les pend silencieusement à la clôture tout en leur faisant signe de temps en temps de se déplacer. Une collaboratrice d’une ONG, qui fournissait jusqu’il y a peu des renseignements juridiques au centre, vient nous donner des explications. Elle explique qu’elle donne des explications sur l’enregistrement, la politique de retour, la procédure d’admission et de recours sous les oliviers à l’extérieur du camp tant que l’hiver et les averses ne dominent pas encore la météo. Elle ne peut plus fournir des renseignements et conseils juridiques à l’intérieur du camp. Elle n’a plus beaucoup d’espoir pour eux. La stratégie du chaos règne dans cette partie de l’Europe.

Les participants étaient choqués par les conditions de vie dans le camp Vial, le hotspot sur l’île de Chios. Est-ce ça, l’Europe ? Ils ont aussi entendu les récits de la gestion de la crise par les habitants de l’île et les conséquences qui en résultent dans leur quotidien après toutes ces années. « Force est de constater que l’Europe ne peut pas poursuivre sa politique en matière d’asile telle quelle », déclare Dr Torsten Moritz, secrétaire général de la CEME. « En tant qu’églises nous voulons voir cette réalité de souffrance et de mort se transformer en une réalité de solidarité, d’amitié et d’espoir. »

On ne demande pas pourquoi ils ont fui à ceux qui arrivent enfin à atteindre l’Europe en bateau, on se renseigne en premier lieu sur les possibilités d’enregistrement et de retour, peu importe d’où ils viennent : Syrie, Afghanistan, Congo , Cameroun. Cette stratégie de dissuasion est un projet pilote en cours basé sur la déclaration UE-Turquie. Les migrants qui parviennent à atteindre une des îles grecques le long de la côte turque n’ont, en principe, pas accès à la procédure de demande d’asile. La Turquie est considérée comme un pays sûr où les migrants peuvent demander l’asile si nécessaire. L’objectif est de renvoyer le plus possible de personnes en Turquie qui, selon nos règles et valeurs, ne peut être considérée comme un pays tiers sûr. De plus, la Turquie accueille déjà 3 millions de réfugiés. De nombreuses demandes sont refusées sans examen sérieux des causes de leur fuite ou de ce que sera leur sort à leur retour en Turquie. L’UNHCR ne dit rien sur les conditions de vie actuelles des réfugiés qui ont été forcés de repartir ou qui restent toujours dans l’espoir d’une vie meilleure. Une exception doit être faite pour les personnes vulnérables mais il faut savoir plus clairement qui se charge de faire cette recherche, évaluer et faire un compte rendu, car cette responsabilité n’est manifestement pas clairement établie entre les différentes instances européennes comme Frontex et EASO. Dans les hotspots, les réfugiés sont logés dans des containers et des tentes qui ne sont évidemment pas faits pour résister à l’hiver. Quand on sait de surcroît que ces camps sont surpeuplés, ce n’est pas rassurant pour l’avenir. Au vu des réactions, nous comprenons qu’il y a énormément de pression sur la Grèce pour ne pas laisser entrer ces personnes en Turquie, pour ne pas leur permettre d’approcher un peu plus des frontières de l’Europe. Il n’est pas évident d’aller plus loin en raison des accords de Dublin et des contrôles stricts aux frontières. Les démarches administratives et l’aide juridique limitée pour les demandes de regroupement familial font qu’il est quasiment impossible dans divers pays européens d’être en ordre dans les délais prescrits.

L’Europe voit cette pratique comme une sorte de projet pilote pour mettre en place des hotspots ailleurs. Aujourd’hui, on trouve ce genre de centres de contrôle entre autres à Lampedusa et il est même envisagé d’implanter ce type de centres de l’autre côté de la Méditerranée, loin de l’Europe. L’Europe montre le mauvais exemple.

La commission et les églises participantes plaident pour une politique migratoire qui offre protection et accueil des persécutés sur toute la ligne. Une part importante de cela est l’accès effectif à une procédure de demande d’asile honnête au sein de l’Union européenne, une répartition équitable et un niveau de vie humain pendant cette procédure. Nous ne pouvons pas laisser les îles grecques et la Grèce continentale seules avec ce problème. Les valeurs européennes, comme la Charte européenne des droits fondamentaux, doivent être maintenues dans la solidarité.

Les hotspots et leur pratique actuelle ne sont pas dignes de l’Europe. Il est urgent de se préoccuper d’une procédure de demande d’asile accessible où que ce soit en Europe, de couloirs humanitaires et d’un programme de réinstallation solidaire pour ces réfugiés qui sont coincés aux frontières. Tout cela, combiné à un programme d’accès légal pour les travailleurs migrants, permettra à l’Europe de retrouver une image de marque d’une Europe qui rend justice aux droits de l’homme.

 

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