Un monde de brutes

Avant-hier, je me suis activée au jardin, comme bien souvent. Paisiblement. L’heure du dîner/sieste vient interrompre mon travail.

Oh ! A la reprise, je vois deux petits de tourterelle, manifestement en mauvais état là où j’ai agi. Un mort et l’autre tout tremblant et blessé. Qui est le/la coupable ? Les pies qui squattent le cèdre et bien plus et se permettent tout chez nous ? Un chat errant ? Ou plutôt une chatte, elles chassent plus que les mâles.

Il faut dire que les tourterelles ne sont pas vraiment des expertes en architecture et en discrétion. Je les ai vues construire leur nid-galette au vu et au su de tout le monde dans le prunus, ensuite dans le magnolia.

Je laisse les choses en l’état, me disant que cela fera bien l’affaire de quelqu’un pendant la nuit… Courageuse, mais pas téméraire.

De fait, le lendemain, plus de trace du forfait. Ou l’assassin est revenu sur le lieu de crime ou cela a profité à un opportuniste, de type goupil. Ceux-là non plus ne se gênent pas.

 

Bam ! La porte a claqué. Ce n’était pas un courant d’air. C’était voulu. Et si le plâtre avait pu tomber un peu autour du chambranle, c’était encore mieux ! L’adolescente que j’étais ne maîtrisait pas toujours ses colères. Soupe au lait je fus, soupe au lait je suis restée, mais je maîtrise mieux : l’arthrose, ça aide. Et aussi un certain travail sur soi-même, assaisonné  d’un rien de sagesse en plus.

Il faut dire que les relations mère/fille ne furent pas toujours iréniques ni faciles. Je pense que de nombreuses personnes me comprendront.

 

En 2014, l’Ukrainienne Iryna Dovgan a été enlevée et torturée par des séparatistes pro-russes raconte le Soir de samedi. Le récit de son calvaire tient en deux pages. Il ne faut pas demander ce qu’elle a souffert. Insoutenable. Elle doit la vie sauve à un correspondant de presse qui l’a prise en photo lors d’une séance publique d’humiliation et l’a publiée dans la presse et sur internet.

Elle a tout perdu : sa maison, ses biens, son jardin qu’elle aimait et soignait avec amour.

Elle était brisée physiquement et moralement.

 

La violence est partout : dans les écoles, dans les familles, sur les lieux de travail, dans les rues, dans les maisons de retraite, dans les Eglises. Aucun pays n’est épargné, aucune religion, aucun régime politique, aucune tranche d’âge, aucun milieu sociologique.

Les coups de feu, de couteau, de poing s’échangent, vrais ou fictifs.

Les coups de langue aussi peuvent poignarder plus profond qu’une lame !

 

Les tourterelles ont-elles du chagrin ? Je n’en sais rien. Elles ont l’air de prendre le drame avec philosophie et continuent leurs activités familiales avec courage. Mais je ne dois pas juger car je ne peux pas me mettre à leur place. De toute façon, il faut continuer la tâche,

me laissent-elles comme message.

 

Les relations mère/fille se sont apaisées avec l’âge, même si ce ne fut pas toujours de tout repos. Et la difficulté n’enlève rien à l’amour qu’on peut se porter, malgré les différences, malgré les maladresses certainement réciproques.

 

Iryna qui a vécu l’indicible, a mis des années à s’en remettre et a fondé Sema, le réseau des femmes victimes de violences sexuelles. Elle n’est ni médecin, ni psychologue, juste une femme qui a souffert et veut aider ses semblables à obtenir justice et réparation. Les aider à continuer à vivre.

On appelle cela de la résilience.

On peut aussi dire du courage. Il en faut dans tous les cas.

Pour recommencer. Pour changer.

Du courage pour ne pas se replier su sa douleur, mais pour aider ceux qui ont vécu des horreurs comme celles qu’on a vécues.

Oui, il faut du courage pour résister à la violence et pour la sublimer.

 

« Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

 

Yvette Vanescotte

Image : pixabay

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