En 1523, les 67 thèses d’Ulrich Zwingli

“Sans Zwingli, Bullinger et Calvin, la Réforme serait restée un phénomène germanophone et nord-européen”, écrivait en 2014, Gottfried Wilhem Locher, président du Conseil de la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS).

 

Ulrich Zwingli, réformateur majeur pour la Suisse, reste assez peu connu en Belgique. Pourtant, il nourrit une riche correspondance avec Érasme qui exerça une influence décisive sur lui. Né en 1484 dans le canton de Saint-Gall, en Suisse, il fait ses études à Berne, Vienne et Bâle et devient curé de Glaris en 1506. En tant qu’aumônier militaire, Zwingli constate les ravages du système de mercenariat et dénonce la puissance de l’argent qui conduit de jeunes Suisses à mourir sur des champs de bataille étrangers.

La pensée de Zwingli est nourrie par la scolastique et l’humanisme ainsi que par l’étude approfondie de la Bible : dès le début de son ministère il soutient la nécessité d’un recentrement sur l’Écriture et l’importance d’une réflexion sur les implications politiques et sociales de l’Évangile.

 

Plus que la notion de justification, au cœur de la théologie luthérienne, c’est celle de réconciliation qui caractérise la pensée de Zwingli. Le théologien insiste, par exemple, pour que nul ne soit exclu de la Cène et que chacun passe le pain à son voisin, car ce moment est pour lui une célébration où l’Église rappelle avec reconnaissance le travail de réconciliation du Christ pour nous[1]. Les relations entre Luther et Zwingli furent difficiles. Ils s’affrontèrent notamment sur la question de la Cène et ne parvinrent pas à trouver un accord, Zwingli soutenant que le pain et le vin sont des signes de la présence du Christ par lesquels le croyant exprime ce qu’il a reçu.

 

La Réforme s’est diffusée de manière différente selon les pays. Avec Luther, dans le Saint Empire romain germanique, c’est le principe “telle la religion du Prince, telle la religion du peuple” qui prévaut. La Suisse, elle, témoigne d’une Réforme qui passe par les villes, leur pouvoir municipal ou communal. En janvier 1523, c’est le bourgmestre et le Grand Conseil de Zurich qui invitèrent tous les prédicateurs à prendre part à une “dispute”- c’est-à-dire un débat théologique-, visant à arbitrer entre ceux qui voulaient prêcher la Parole de Dieu pour les gens ordinaires en s’appuyant uniquement sur l’Évangile et leurs opposants. Zwingli profita de cette occasion pour exposer les grands principes de sa prédication à travers l’écriture, en allemand, de 67 thèses.

Il parvint si bien à convaincre son auditoire que le Conseil décida que prêtres et pasteurs devaient désormais prêcher uniquement «ce qu’ils pouvaient attester être vrai, en vertu du saint Évangile et autres Écritures divines »[2]

 

Au cours de ces 67 thèses, on retrouve le style percutant et non dénué d’humour du réformateur helvétique. En voici quelques exemples[3] :

(1)Tous ceux qui disent que l’Évangile ne serait rien sans la certification de l’Église se trompent et insultent Dieu.

(24) Un chrétien est libre envers les œuvres que Dieu n’a pas commandées, donc de manger en tout temps de tous les aliments ; on en déduit que les dispenses de fromage et de beurre sont une tromperie romaine.

(28) Tout ce que Dieu a permis ou n’a pas interdit est juste, par conséquent tous les êtres humains ont droit au mariage.

(57) La vraie Écriture sainte ne sait rien d’un purgatoire après ces temps-ci.

 

Laurence Flachon

[1] Peter Opitz,  « Quelles sont les contributions spécifiques de la Réforme Suisse au mouvement de la Réforme ? », in: P. Bosse-Huber, S. Fornerod, T. Gundlach et G. Locher (dir.) Célébrer Luther ou la Réforme? 1517-2017, Genève, Labor et Fides, 2014, p. 93.

[2] Ibidem, p. 85.

[3] Les 67 thèses réformatrices de 1523 et leurs commentaires, Présentation, traduction et notes de Bernard Reymond, Labor et Fides, 2021

 

Pour découvrir la vie et l’œuvre de Zwingli :

  • Le film de Stefan Haupt « Zwingli, le Réformateur » 2019
  • Ulrich Zwingli de Peter Opitz, Labor et Fides, 2019
  • Les 67 thèses réformatrices de 1523 et leurs commentaires, Présentation, traduction et notes de Bernard Reymond, Labor et Fides, 2021

Image : Ulrich Zwingli par Hans Asper – Winterthur Kunstmuseum, sur wikipédia

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