Superwoman – réflexion sur le transhumanisme

Wouaaaaah ! Me voilà plongée dans la perplexité, la curiosité, un tantinet effrayée par la découverte d’horizons infinis ouverts par le transhumanisme, qui recherche l’amélioration des conditions physiques et mentales de l’humain et cherche à supprimer la mort. Ce mouvement intellectuel international m’emmène sur des sentiers escarpés, vertigineux et… tentants (?).

 

Je disais wouaaaah en constatant qu’avec ma prothèse du genou, j’étais déjà sur le chemin d’une humanité améliorée. Un genre de superwoman, de femme bionique, en quelque sorte, (ma référence étant « L’homme qui valait trois milliards » qu’on regardait avec les enfants, il y a bien longtemps). Et que dire de l’accroissement des capacités mentales prôné par le transhumanisme, à l’aide de la médecine, de la technologie, de l’informatique, de la robotique…

Tentant, non ? Pouvoir maîtriser toutes sortes de connaissances, réaliser tous les projets qui, au fil des jours sont tombés aux oubliettes : suivre un cours de couture, apprendre l’allemand et à nager (enfin !), faire de la poterie, parcourir le chemin de Compostelle, cultiver l’ikebana, devenir dentelière aux fuseaux, remarcher en montagne et, cette fois-ci, larguer tous les hommes de la famille (la vengeance est un plat qui se mange froid).

 

Ooooooooh là ! On ne s’emballe pas. On réfléchit.

Si moi, petite vieille (il n’y a que moi qui puisse le dire, tous les autres seront fusillés impitoyablement), me mets à gamberger dans mon coin et à tirer des plans sur la planète, d’autres dans des coins un tantinet plus noirs pourraient avoir des idées moins sages…

Quant à l’immortalité, recherchée depuis toujours –qu’on se rappelle les tombes égyptiennes et les rites funéraires de par le monde- que nous apporterait-elle ?

Imaginez les héritiers des grosses fortunes, désespérés de voir leurs vieux parents rajeunir, reprendre du poil de la bête. Imaginez les acheteurs de maisons en viager.

Mais pire, imaginez l’immortalité des dictateurs, des bandits, des méchants, du voisin qui vous casse les pieds.

Au fond, dans certains cas, l’attente de la mort des « nuisibles » est source d’espoir en vue d’une libération ou de la solution de situations impossibles. Je sais, ce n’est pas bien de parler comme ça, mais cela soulage.

 

Cette quête transhumaine me fait immanquablement penser à la construction de la tour de Babel : faisons-nous une tour aussi haute que les cieux, une tour qui soit la porte des cieux. Construisons-nous une ziggurat à étages, faisons de l’humain un dieu.

On voit ce que cela a donné : la confusion, l’incompréhension et… les cours de langue !

Chaque fois que l’humain s’est pris pour un dieu, cela a mal tourné. Parfois pour des peuples entiers.

Il faut admirer la sagesse des Romains qui, lors des retours de guerre et des défilés triomphaux dans Rome, prévoyaient qu’un homme souffle dans l’oreille du général vainqueur monté dans son char d’apparat : hominem te esse memento, souviens-toi que tu es un homme.

Cela n’a pas empêché les dérives, je suis bien d’accord avec vous.

 

Allons un cran plus loin : n’est-ce pas la mort inéluctable qui donne du prix à la vie ?

N’est-ce pas la fragilité de l’humain qui nous fait éprouver de la tendresse à son égard ?

N’est-ce pas l’imperfection (le signe japonais, comme disait notre parqueteur) qui trahit la main de l’artisan ? Sauf pour les génies qui font tout à la perfection. Mais la perfection n’est-elle pas ennuyeuse ?

 

Sages seront celui et celle qui assumeront pleinement leur humanité avec ses failles, et repousseront la tentation d’une humanité immortelle et divine.

Là était aussi l’enjeu au jardin d’Eden…

 

Yvette Vanescotte

 

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