La page d’histoire – l’aventure protestante belge

Plusieurs habitué.es de Pro-News nous ont demandé des articles sur la Réforme. En y réfléchissant, le comité Communication a proposé d’intégrer au magazine une série sur l’histoire du protestantisme, avec une attention particulière à la Belgique. L’aventure du protestantisme dans nos contrées est en effet riche et passionnante. L’historienne Laurence Druez ouvre le bal avec un plaidoyer engagé : pourquoi le passé est-il un patrimoine commun, dont l’intérêt dépasse nos communautés protestantes, voire les limites somme toute très subjectives de nos territoires ?

 

Pourquoi s’intéresser à l’histoire du protestantisme belge ?

Si, parmi les cultes et mouvements convictionnels reconnus dans notre pays, l’Église catholique et l’islam font l’objet d’une abondante couverture médiatique, il n’en est pas de même des protestants, qui, caractérisés par leur discrétion et de nombreuses idées reçues, restent méconnus de la majorité des Belges et parfois aussi, il faut l’admettre, d’eux-mêmes…

Pourtant, ils forment non seulement la deuxième minorité religieuse la plus représentée en nombre d’adhérents après l’islam, mais aussi la deuxième plus ancienne après la population juive sur le territoire de l’actuelle Belgique, où ils sont présents sans véritable discontinuité depuis 500 ans, ainsi que la première à bénéficier du financement public sous le régime de la Belgique souveraine.

C’est dire si le culte protestant y est solidement implanté, mais aussi structuré, organisé et représenté auprès des pouvoirs publics.

Par ailleurs, les protestants sont les lointains héritiers d’un événement majeur, la Réforme, qui a constitué un des tournants les plus déterminants qu’ait connu l’Occident par ses conséquences jusqu’à aujourd’hui dans de nombreux domaines – religieux et séculiers – de la société, ainsi que les multiples commémorations de 2017, aussi bien par la société laïque, le monde scientifique que de nombreuses églises, ont contribué à le rappeler. Nombre de ses représentants se sont d’ailleurs illustrés par leur activité dans des secteurs aussi variés que l’industrie, la finance, la politique, l’armée, les sciences, les arts ou encore par leur engagement social. Parmi les grandes figures protestantes dans notre pays, on peut citer quelques grosses pointures comme le théologien Guy de Brès, le premier roi des Belges Léopold Ier, l’industriel John Cockerill, l’infirmière Edith Cavell ou encore le ministre d’État Jean Rey, artisan de la construction de l’Union européenne.

Malgré l’origine initialement germanique de la Réforme et le rôle prépondérant d’une présence étrangère diplomatique, marchande, militaire dans sa survie jusqu’à l’instauration de la liberté des cultes, ensuite missionnaire dans sa redynamisation et sa croissance, le protestantisme belge bénéficie bien d’un ancrage local de longue date, comme en attestent les communautés les plus anciennes, telles celles de Dour, de Rongy ou encore d’Hodimont.

Enfin, il a donné lieu, à partir du XIXe siècle, à la construction d’édifices – les temples – dont certains constituent des réalisations architecturales remarquables et qui sont autant de lieux de mémoire, symboles de la continuité de la foi réformée et de la réussite d’une harmonie œcuménique.

Les raisons sont donc nombreuses de s’intéresser à son histoire longue et riche, dont bien des aspects restent à ce jour inexplorés. Pour la comprendre, rien de tel que de se plonger dans les archives des organismes protestants ainsi que des paroisses, conservées notamment à la Maison du Protestantisme à Bruxelles ! À travers les rapports, les correspondances, les procès-verbaux de réunions, les dossiers de bâtiments, les documents comptables ou encore les photographies, on y découvre l’œuvre des colporteurs de littérature biblique, les prémices des postes missionnaires, la croissance et les vicissitudes des communautés, l’organisation des paroisses, la personnalité des pasteurs, les mentalités et le vécu des fidèles, l’évolution des lieux de culte, autant de facettes qui, ensemble, nous révèlent l’identité complexe d’une minorité parfois difficile à cerner.

 

Laurence Druez

Docteur en Histoire

Chargée de cours à la Faculté universitaire de Théologie protestante de Bruxelles

Chef de travaux aux Archives de l’État en Belgique

 

Images : pixabay

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