L’heure de la Réforme verte

Les inondations et les incendies de forêt nous confrontent à une réalité sur laquelle nous ne pouvons plus fermer les yeux. À Bologne, le Forum interconfessionnel du G20 a récemment tenu une conférence autour des paroles de l’Ecclésiaste 3:3 : “Il y a un temps pour tuer et un temps pour guérir, un temps pour démolir et un temps pour construire ». Le monde appelle à une Réforme verte, et les églises peuvent jouer un rôle majeur.

À la mi-septembre, quelque 400 représentants de gouvernements, d’universités et d’organisations religieuses du monde entier se sont rendus en Italie pour discuter des relations entre la religion et les défis politiques et sociaux actuels. Le G20, la plateforme des 20 plus grandes économies du monde, considère la religion comme un moteur essentiel de changement social.

 

Alerte rouge pour l’humanité

L’été dernier, la Belgique a été brutalement confrontée au pouvoir destructeur de l’eau. Fin juillet, les images des inondations à Pepinster et des voitures flottant dans les rues de Namur ont dominé l’actualité. Quelques jours plus tard, le 9 août, les Nations unies ont publié un rapport climatique alarmant du GIEC, qui montre que le réchauffement climatique est plus rapide, plus étendu et plus intense que prévu. Le secrétaire de l’ONU, Antonio Guterres, parle d’ “alerte rouge pour l’humanité”. Nous devons donc réagir rapidement. “Chaque dixième de degré fait déjà une différence”, affirment deux coauteurs belges du rapport.

 

L’Homme comme mesure de toutes choses

Selon l’historien Lynn White, la crise climatique est en grande partie due au christianisme occidental. L’intendance imposée à l’Homme dans Genèse 1,28 a souvent été lue à travers une lentille anthropocentrique. Cela a contribué à une vision du monde dans laquelle l’Homme – en particulier l’homme occidental et blanc – se considère comme la mesure de toutes choses et, dans sa quête de pouvoir et de profit, croit pouvoir tout contrôler. “Comment peut-on acheter ou vendre l’air, la chaleur de la terre, la vitesse de l’antilope ?”, se demandait à juste titre un chef indien à Seattle.

A l’opposé de cet anthropocentrisme, la pasteure néerlandaise Trees van Montfoort propose une théologie écologique. La cohérence est son point de départ. Dans son livre Green Theology, elle affirme que la création n’est pas un événement unique dans le temps qui se limiterait à la Genèse, mais un processus continu qui imprègne tous les livres de la Bible. Rien n’est jamais terminé. Cela fait de la Bible un livre non pas anthropocentrique, mais théocentrique. Le rôle de Dieu et de son plan de salut pour la Terre est central. Et le cosmos est bien plus que la toile de fond sur laquelle se déroule l’histoire du Salut. “Dieu regarda tout ce qu’il avait fait et vit que cela était bon”, dit la Genèse 1, 31. La création est intrinsèquement bonne car elle reflète la grandeur de Dieu et en témoigne sans cesse.

 

En finir avec la culpabilité

La crise écologique est une crise de notre vision du monde et de notre relation avec Dieu et avec la terre. Le système économique actuel présente deux défauts cruciaux : d’une part le fait que l’Homme se considère comme la mesure de toutes choses, et d’autre part un manque de responsabilité à l’égard de la Terre. Mais si – comme le dit Greta Thunberg – notre maison est en feu, tout le monde n’est pas prêt à discuter du climat. La raison en est évidente. Le récit sur le climat est souvent accompagné de scénarios catastrophistes, de messages culpabilisants et de mesures restrictives. Aussi justifié que cela puisse être, l’aspect négatif prend une trop grande place. Si l’on sait que 70 % des gens ne souhaitent rien d’autre qu’une vie confortable, il n’est pas étonnant qu’un tel discours ne séduise pas les foules.

Trees Van Montfoort ne tombe pas dans ce piège. Au fil des pages, elle nous présente un message d’espoir. Toute crise est une opportunité, et même dans le plus grand chaos, la théologienne voit les possibilités d’une nouvelle création. Les théologiens néerlandais Jos Douma et Herman Selderhuis, qui ont tous deux prononcé un discours lors de la conférence du G20, sont tout aussi optimistes. Douma a souligné l’importance d’un dialogue fructueux entre les églises et les religions. Il ne s’agit pas seulement de rencontres à un “haut niveau”, mais surtout entre simples croyants. Selderhuis, à son tour, a appelé les théologiens à prendre leur métier au sérieux, notamment par une exégèse minutieuse des textes et en étant sincère quant à la réalité du mal dans le monde. “Les théologiens sont des experts des mots”, a-t-il souligné, et – se référant à l’Ecclésiaste 3:3 – les mots peuvent à la fois causer des fractures et guérir. Le pouvoir des mots ne doit pas être sous-estimé ; le mot juste peut être le déclencheur du changement.

Le mot de clôture de la conférence a été prononcé par le Premier ministre italien Mario Draghi, qui a mis en garde contre l’utilisation abusive de la religion à des fins politiques. “La religion parle d’amour”, a-t-il déclaré. “Les principes de toute religion doivent certes être défendus avec fermeté et miséricorde, mais non avec misère et terreur.” Les messages de la conférence du G20 concordent avec l’encyclique Laudato Si (2015) du pape François, dans laquelle il est fait référence à la Terre comme “notre maison commune”.

 

Réforme verte

L’appel au changement est presque unanime. Pendant trop longtemps, nous avons vécu selon de vieux mythes, un récit de croissance économique débridée, de surconsommation, d’anthropocentrisme et de traditions figées. Les inondations auxquelles notre pays a dû faire face nous obligent à regarder la réalité en face.

La Réforme verte promet des chantier qui ne seront pas toujours faciles. Mais elle est porteuse d’espoir : contrairement à l’iconoclasme du XVIe siècle, il s’agit d’une lutte à laquelle nous pouvons répondre de manière œcuménique et dans l’unité. Si nous sommes prêts à embrasser une théologie écologique, alors nous pouvons apporter un nouveau sens aux textes bibliques. Trees Van Montfoort conseille aux protestants de donner un nouveau souffle à des traditions telles que l’Action de Grâce et les fêtes des moissons. Un service d’Action de Grâce pour la récolte, par exemple, peut être caractérisé par le respect de la Terre et de tout ce qui pousse.

Le monde appelle à un nouvel iconoclasme. Il est temps de prendre en main la Réforme verte ; il est temps de briser les vieilles icônes et de les remplacer par des idéaux nouveaux.Il est temps de guérir.

Liens utiles :

– https://www.entraide.be/notre-maison-commune-quelle-terre-pour-demain

– G20interfaith.org

Kelly Keasberry,

Journaliste et prédicatrice laïque

 

Image : ©wikimedia commons – arche de Noë – Edward Hicks – Wikimedia commons – https://fr.vikidia.org/wiki/Fichier:Edward_Hicks_-_Noahs_Ark.jpg >  Noahs Ark, Edward Hicks copyright wikimediacommons

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